Quelle nouvelle finance avec Donald Trump ?

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Devons-nous jeter nos livres de finance et d’économie maintenant que Trump est (re)devenu président des Etats-Unis le 20 janvier 2025 ? Que valent les actions des multinationales, maintenant que le commerce international qui expliquait leur succès est mis en cause par des hausses des taxes douanières ? Que vaudront ces titres si l’inflation augmente et si Donald Trump veut, en plus, une baisse du dollar ?

Quelle nouvelle finance avec Donald Trump ?

Les marchés nous répondent. La méthode pour évaluer les titres est inchangée, avec la série : résultats prévus, mais chamboulés, à la hausse ou à la baisse (comment savoir ?), actualisés tout de même par des taux longs, surtout à 30 ans, mais actuellement revus en hausse. Ces taux devraient échapper aux échéances politiques et permettre de « voir loin ». Impossible, répondent les hommes de marché, qui ne peuvent déjà pas prévoir quelle sera la situation fin 2025, pour la bonne raison qu’ils ne savent rien des droits de douane que va décider le président Trump, et qu’ils ignorent s’il peut encore changer d’avis.

Ce dernier va amener plus d’incertitudes sur l’inflation à court terme, et sur la politique que la Fed, la banque centrale américaine, suivra. Pour sa prochaine réunion le 17-18 juin, la Fed devrait tout de même laisser ses taux courts à 4,25/4,5 % pour une inflation à 2,3 %, ce qui reste restrictif, alors que la croissance faiblit. Les marchés, Bourses et obligations vont aimer cette pause qui dure : sans doute parce que Trump a assuré qu’il ne voulait plus « virer » Powell, président de la Fed. Pourtant, taxer les biens importés fait monter les prix à court terme, mais de combien ? Pourtant, il est économiquement fondé que chaque pays investisse dans les domaines où il est le plus efficace, comme le prônait Ricardo. Mais ce qui pouvait se comprendre à l’époque de la répartition entre Royaume-Uni et Portugal, industrie d’un côté et agriculture de l’autre, ne tient plus entre la Chine et tous les autres pays. Devenue « l’usine du monde », la Chine les évince par son échelle de production. Luttant contre l’inflation des pays développés, ce qui « calme » les taux longs, elle entretient la remontée de la Bourse. Mais attendre encore, c’est trop demander à la Fed.

Vient en plus la révolution informatique, qui accélère et change cette logique. Elle l’accélère car les économies d’échelle sont d’autant plus à l’œuvre qu’elles augmentent peu les coûts marginaux. C’est ainsi que la monopolisation s’accélère. Change alors l’organisation productive mondiale, vers les lieux de production, alias les usines, alias la Chine, elle qui exporte ce qu’elle fait, copie, espionne et invente. Entre les GAFAM et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), qui gagnera ?

Avec l’arrivée de Trump et de ses nouveaux tarifs, sans qu’il y ait de bouleversement dans la logique financière, le niveau des risques va changer. Comment les apprécier, pas seulement de combien les augmenter ? On parle de derisking et de nearshoring, invitation (pressante) des donneurs d’ordres, ceux aux Etats-Unis surtout, à se rapprocher d’eux. Donald Trump ajoute que la meilleure façon d’éviter les taxes à l’importation aux Etats-Unis est d’y produire (merci), en attendant de « beaux accords » avec le Royaume-Uni, le Japon, l’Inde, puis la Chine. Tout ceci devra être vérifié, étant entendu qu’il s’agira de connaître les mesures prises, derrière les mots de chacun.

Dans notre monde, où le risque moindre est (était ?) américain, il faut tout revoir. Après la baisse du rating américain à Aa1, une nouvelle partition se met en place : zone Amérique, zone sino-russe, zone Europe à renforcer, les autres devant préciser et évaluer leurs relations avec ces trois zones et entre elles. La nouvelle hiérarchie des taux sera décisive pour l’échelle des risques, sachant qu’il appartiendra à chacun de faire des efforts pour les réduire, et de donner les informations pour que les marchés s’ajustent à cette division, qu’ils devront quantifier. Il ne faut donc pas jeter nos livres : ils deviennent cependant plus compliqués.


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