Liberté, j’écris ton nom

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 Liberté, j’écris ton nom

 

Sur mes cahiers d’écolier…

J’écris ton nom…

LIBERTE

Paul Eluard, 1943

 

Ce qui s’est passé à Conflans Saint-Honorine est une autre marque de « l’avancée » de l’intolérance religieuse en France, après Charlie Hebdo et l’Hypercacher, sans compter les mises en cause constantes et sourdes des fondements de la République : la liberté de croire ou de ne pas croire, l’égalité des sexes, la fraternité pour développer un projet du mieux-être ensemble.

 

Chaque fois, on pense que réactions atterrées, menaces et sanctions vont faire leur effet. On imagine aussi que les formations de toutes sortes – en allant de l’histoire à la gymnastique, les analyses – économiques ou sociologiques, les explications philosophiques et morales vont suffire. Mais non.

 

Car le mal est profond, celui qui fait laisser passer les « petits manquements », les « grignotages » des règles, avec nos « petits renoncements ». C’est cette baisse de notre vigilance à défendre nos principes quotidiens qui nous fait passer à côté de ce qui a lieu autour de nous, lire seulement le titre de l’article, et uniquement s’il est accrocheur, pas le texte, trop long. C’est ce qui ne nous fait pas comparer, analyser, nous poser, pour approfondir et réagir. Ecouter les chaînes de télévision en continu qui répètent leurs breaking news sans toujours les vérifier, n’aide pas. Suivre ces réunions d’experts omniscients, « économistes », « politologues » et désormais « virologues », qui s’affrontent à coup de propos péremptoires, parfois opposés entre eux mais toujours à Macron, quitte à changer ensuite d’analyse sans explication, fait plus monter la tension que le savoir et la sagesse. Le COVID-19 nous a habitués à ceux qui annoncent que l’épidémie va disparaître, puis (peu après) qu’elle revient, mais plus dangereuse, sans qu’on les mette face à leurs contradictions. C’est le virus de l’intolérance qui se répand, sur fond d’ignorance et de peurs si l’on veut, mais plus encore d’un « laisser dire » coupable. La liberté d’expression implique le devoir de contrôle et de contestation. Au temps des réseaux dits « sociaux », c’est la responsabilité du « social » que de faire adopter ces « gestes barrières ».

 

Le terrain des croyances est, pour le virus de l’intolérance, le plus propice. Le besoin de croire est un des plus profonds chez beaucoup d’humains. Or, les religions ne sont pas vérifiables, puisqu’il s’agit de foi et de mystères, mais seulement comparables, pour chercher ce qui les unit. Relier les religions concerne l’homme de foi. Les éclairer, différencier, comparer concerne le citoyen. Ce partage des responsabilités est la base de la laïcité et renvoie… à l’évangile de Matthieu. Les pharisiens demandent à Jésus : « est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? ». Si Jésus répond : « oui », c’est « un collabo ». S’il répond : « non », c’est « un rebelle » dont les Romains s’occuperont, car ils seront bientôt mis au courant. On connaît la suite : « Montrez-moi la monnaie de l’impôt » dit Jésus, et ils lui présentent un denier. Alors Jésus poursuit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? ». La réponse est évidente : « de César », ce à quoi Jésus répond : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » De fait, il s’agit là de deux ordres : celui de la foi et celui de la cité. Ceci ne veut surtout pas dire que les hommes de foi n’ont pas à s’occuper de la cité, du « social », mais qu’ils doivent le faire en fonction des règles de la cité et selon leur foi, pour aider à un meilleur quartier, à une meilleure ville, à une meilleure vie.

 

Evidemment, ceci ne répond pas à l’objectif de « l’islamisme radical », pour reprendre l’expression bien connue, qui veut que Dieu soit aussi César. Tout le monde doit savoir que ce radicalisme combat les valeurs fondamentales de l’Islam comme, en son temps, le « Catholicisme radical » combattait le Catholicisme. Mais « tout le monde » doit surtout prendre en compte ce qui se passe ici et à nos frontières. Nous assistons à l’affaiblissement des valeurs de l’Europe en termes de libre pensée et expression, sans voir cette montée des périls, comme en l’« Eté 1914 » de Roger Martin du Gard. C’était le temps où la guerre « était une chose portée disparue » comme l’écrit Stephan Zweig en… 1936. L’indignation à éclipse n’est pas une solution. La discussion et le courage sont décisifs, pour relever nos défis économiques, sociaux et politiques, ensemble, avec et par la Liberté.