Ni à Voltaire, ni à Rousseau
Ce n’est pas non plus sa faute si la France se réchauffe, si l’eau manque ici pour pleuvoir trop là, si fondent les glaciers, si la croissance est trop faible, les normes excessives, si le niveau des élèves baisse et si la violence monte. Dommage : nous avions une excellente explication, simple à résoudre pour tout ce qui nous arrive, pour tous usages et extérieure à nous. Il suffisait qu’il démissionne ou d’attendre le début 2027.
Pourtant, on ne peut regretter que la France pèse moins en Europe et dans le monde quand on ne cesse, en même temps, de gloser sur son déclin et de calculer sa faillite prochaine. La France est une puissance d’autant plus moyenne qu’elle ne croit pas en ses « experts ». La démographie nous prévient depuis longtemps du devenir problématique de notre système par répartition pour les retraites. Avec une population proche de son pic, de faibles naissances et son vieillissement, il est mathématiquement en crise.
Viennent alors les solutions miracles
Sauf si « on » demande de revenir sur les subventions aux entreprises et d’instaurer la fameuse « taxe Zucman » : 50 milliards en plus là, 20 ici, qui combleront, comptablement, les déficits de l’année. Et ensuite, pour celles qui viendront ? Peut-on imaginer que les « riches » vont voir réduire leur patrimoine par un impôt dit modeste (2% quand même, alors que les obligations à 10 ans rapportent 3,2% en brut) sans bouger, tels des pigeons de bois ? L’avantage de cette question est de n’être jamais posée.
Pareil pour les interrogations sur la faible rentabilité des entreprises en France, sur la productivité décroissante de la main d’œuvre ou sur la peur de l’épargne devant le risque : aucune question. C’est toujours la faute « aux autres » : pas seulement aux super-riches locaux, mais en sus aux inégalités et à l’impérialisme américain, à la reconstitution des empires ottoman, perse ou chinois. Pendant ce temps, les pays européens sont incapables de s’unir pour acheter des Rafales ou des Terribles, sans oublier les drones Male, Patroller et Neuron, ou pour construire ensemble des avions, des navires et des sous-marins — et pour équiper une armée européenne plus forte.
Pourquoi une puissance « moyenne » ?
Parce que la France ne se fait pas à l’histoire qui passe, ici comme partout. Notre pays a eu des hauts et des bas, comme ses voisins. Pourtant, on ne se rappelle que les premiers. Versailles est achevée, qui nous a ruinés, Napoléon est mort et enterré, Napoléon III pareil. Depuis 1945, les frontières sont intangibles. Aucune avancée n’est plus possible (Poutine et Trump devraient le savoir) dans ce monde où la population croît, les secousses économiques et monétaires augmentent, plus les guerres. Les cocottes-minute française et européenne chauffent, sans trouver de solution, faute de coopération.
Dire que la France est devenue une puissance moyenne nous vexe, comme « apprendre » qu’elle ne peut résoudre les crises ukrainienne, gazaouite ou iranienne. C’est donc la faute à Macron et à l’Europe ! Critiquer la faiblesse de leur union n’empêche même pas d’en critiquer le principe. Le bon sens n’est pas la chose du monde la mieux partagée, surtout s’il s’agit de se distinguer, de faire du buzz, de l’audience et de se faire élire.
Pour dire du bien de Macron
Comme pour Mitterrand ou Chirac, il faudra peut-être dix ans après sa mort… Le temps gomme les critiques, fait oublier crises et scandales. La relance de 1981 et la retraite à 60 ans sont passées aux oubliettes : nous en payons les intérêts, en oubliant les causes. Heureux peuple qui s’endette en pensant que c’est la faute de son chef et qui refuse de changer d’allure. Nous félicitons le Portugal et la Grèce qui vont mieux, l’Italie et l’Espagne en forte croissance, en oubliant les crises de leurs dettes des années 2007-2010.
Nous nous souvenons des trois mots de Mario Draghi : le whatever it takes du 26 juillet 2013, qui firent reculer les marchés jouant l’explosion espagnole, tout en craignant qu’elle ne gagne l’Italie. Alors l’Espagne était sauvable, pas l’Italie. On oublie les baisses des salaires privés et publics, des retraites, la vague de misère qui frappa « le Sud ».
Depuis, Whatever it takes est devenu en mai 2017 une chanson du groupe de rock américain Imagine Dragons. Écoutons :
Whatever it takes
Quoi qu’il en coûte
Parce que j’aime l’adrénaline dans mes veines
Je ferai ce qu’il faut
Et nous, ferons-nous ce qu’il faut ?