Trump et la finance

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 Trump et la finance

Avec Trump, jamais le président des États-Unis n’a été aussi soucieux de bourse et de finance. À tel point que l’on a le sentiment qu’il s’agit pour lui de l’objectif majeur de son mandat, le meilleur moyen, avec une bourse plus forte, d’avoir plus de consommation, d’investissement, de croissance et d’emploi. Pour autant, ses premiers jours en poste ne semblent pas correspondre à son souhait, avec des bourses qui baissent, des cryptomonnaies qui s’effondrent, voire maintenant des inquiétudes sur l’emploi, les prix et la croissance elle-même. Est-ce que la finance serait en train de se venger ?

 

Trump et l’incertitude

« Les marchés détestent l’incertitude » : on ne compte plus le nombre de fois où nous entendons ou lisons cette phrase. Le malheur est qu’elle est trop générale pour être vraie. Si l’incertitude disparaissait, les marchés aussi, puisqu’ils en vivent ! En réalité, on ne parle là que d’une incertitude « bien élevée », autrement dit qui éviterait des cas extrêmes, comme le risque de guerre par exemple. Les marchés fonctionnent en fait dans un canal où les événements sont plus ou moins possibles, mais sans jamais être hors de contrôle, s’éloignant par trop d’un passé récent.

Trump joue alors gros avec sa politique actuelle, où il menace de hausser les tarifs douaniers de ses voisins et alliés et moins, semble-t-il, de son concurrent russe et de son ennemi chinois. Avec l’Ukraine, la situation est plus tendue encore de sa part, entre menaces, chantage et appel au risque de 3ème guerre mondiale. Ce qui n’aide pas, c’est que l’on ne comprend pas exactement les « ordres » envoyés par la Maison Blanche, avec des listes de hausses de tarifs qui sont, ou pourraient, être revus à la baisse, sinon annulés si Trump obtient gain de cause. Ce faisant, Trump mêle toutes les formes d’incertitudes, extrêmes ou non, dans un ballet d’allers-retours qui peut mettre en jeu sa crédibilité même. Trump rend ainsi illisible tout sens donné aux marchés, lui qui veut tant qu’ils se développent.

 

Trump et MAGA

On pourrait objecter alors que MAGA (Make America Great Again) a été et reste le slogan central de Trump, et depuis des années. Les marchés pourraient donc calculer l’espoir qu’il fait naître et piloter ainsi des anticipations plus favorables. Or les bourses américaines ne semblent pas de cet avis : le Dow Jones se retrouve ainsi à 40800 points, son niveau de septembre. L’embellie de l’élection parait oubliée.

Peut-être que MAGA est trop général, trop imprécis et que les propositions de s’étendre au Groenland ou au Canada inquiètent plus qu’elles ne rassérènent. Il faudra donc, pour les marchés, être plus précis, ce qui posera des problèmes politiques plus redoutables. Rester ambigu est plus confortable même si, dans l’optique de Trump, ce serait peut-être vu comme un aveu de faiblesse.

 

Trump et le transactionnel

Trump se présente comme un homme de transactions, de deals, l’opposant chaque fois à celui qu’il veut « convaincre ». Mais la vie n’est jamais comme cela. Les milliers d’échanges, de discussions qui conduisent aux accords ne sont jamais des duels séparés. Trump est parti pour une série de joutes, complexes, avec des boucles, des ripostes et plus encore interdépendantes. Il est impossible d’être « transactionnel » parce que le monde ne l’est pas, de moins en moins même avec le développement des réseaux sociaux. Tout est immédiat, tout est plus ou moins su, sinon déformé.

 

Trump et la hiérarchie

Les marchés aiment bien classer les informations et les hiérarchiser. Impossible avec Trump qui a, dès le premier jour, envoyé des dizaines de messages tout aussi comminatoires les uns que les autres, sans compter qu’ils étaient de portée très différente. Trump cherche ainsi un effet de souffle, mais les marchés, eux, cherchent les points faibles de la cuirasse. Ce qui arrive à la cotation de Tesla, qui parait de plus en plus être un sondage en temps réel d’Elon Musk, montre bien que les bulles ont leur temps.

 

Trump et un nouveau MAGA

Plus le temps passe et plus on voit les limites du vieux MAGA, celui qui avait permis le succès : Again n’a de sens, dans le monde plein qui est le nôtre, qu’Against. La place à reprendre ne peut se faire que Contre celle qui est prise par d’autres. MAGA pose ainsi des difficultés aux partenaires commerciaux, qui réagissent, et des questions aux alliés. Le renversement d’alliances commence avec la Russie : va-t-il durer, s’étendre avec ou contre la Chine ? La finance ne sait, et nous non plus. Et lui ?