Le moins que l’on peut dire est que le Président Trump est difficile à décrypter, et plus encore à prévoir. Tantôt il annonce des hausses des droits de douane propres à inquiéter sur la croissance même des États-Unis, ce qui est un comble, tantôt il les diminue ! Faut-il alors revoir nos filières de production depuis la Chine, avec une éventuelle escale au Vietnam, cette solution qui a tant marché, se demandent les dirigeants ? Importer de la désinflation chinoise pour calmer, partout ailleurs, les hausses de salaires, ne fonctionnerait-il donc plus ?
Les leçons à suivre
La première leçon, qui est aussi la vraie surprise de la « méthode Trump », est l’accent mis sur les biens importés, autrement dit les « choses », en fait sur les risques liés à la désindustrialisation du pays. Mot qui s’y redécouvre. En revanche, le thème est omniprésent en France, attribué soit à l’incurie des précédentes autorités, soit aux patrons qui mettent en avant les coûts salariaux, ou aux normes, tandis que syndicats et partis de gauche veulent des augmentations de salaires et plus de retraite…
Mais, si Trump veut mettre en avant son déficit commercial en biens, omettant son excellence en services, c’est pour souligner un puissant lien : ce sont les biens qui commandent les services. Un iPhone ne marche pas sans logiciel, mais on ne compte plus le nombre de logiciels « libres », tandis qu’il faut une usine, avec machines et main-d’œuvre, pour faire les boitiers. La dépendance aurait changé de sens, selon lui, avec la révolution en cours.
C’est ici que vient la deuxième leçon de Trump, liée à la précédente. Certes ce sont les coûts qui pilotent les lieux de fabrication des « choses », mais il ne faut pas oublier les risques associés auxdits lieux, autrement dit les politiques et stratégies suivies de part et d’autre. On entend maintenant parler de derisking ou de nearshoring, quand on demande aux entreprises de revoir leurs chaînes de production en allant de lieux moins chers vers d’autres, et désormais plus sûrs.
C’est bien ce qui anime Donald Trump, quand il invite les usines de voitures à quitter le Mexique ou le Canada pour s’installer chez lui et, mieux encore, quand il propose d’annexer ce dernier. Le « doux commerce » avec « l’autre » n’a de sens que si l’on est bien plus fort que lui et surtout s’il continue à être « doux ».
Leçons à méditer ou examens à passer ?
« L’Europe a été faite pour nous exploiter » ; « la Chine s’est développée parce qu’elle nous a volés » : on reconnaît ici quelques phrases célèbres de Donald Trump qu’examinent les économistes, toujours surpris. On peut ajouter, pour un autre type d’examen, sa parade militaire le 14 juin pour fêter le 250ème anniversaire de la création de l’armée, jour qui par hasard est aussi celui de son 79ème anniversaire. N’oublions pas, non plus, le montage qu’il a fait passer sur Internet, où on le voit en Pape. Mais il parle moins de Prix Nobel de la Paix.
Bien sûr, on peut parler de démesure, de pente autocrate inquiétante, ou pire, sauf si parler des faiblesses américaines — déficit budgétaire difficile à réduire, déficit commercial en biens qui se creuse… — ne renvoyait aux nôtres. Certes, Donald Trump ne parle pas de la productivité américaine qui fléchit, mais de vol de ses « partenaires », pas de déficit budgétaire inquiétant et résistant, mais de salariés qui ne travaillent pas, à supposer qu’ils soient présents.
En changeant les mots, le joueur Trump est excessif sans être hors de contrôle, il ne veut pas trop marquer contre son camp. On peut cependant imaginer que ce qui arrive à la première puissance du monde pourrait se produire ici. Or c’est bien le cas.
Traduire Trump en français
Il nous faut accepter de prendre Trump au sérieux en le traduisant, sachant que nous n’avons pas ses moyens. Notre économie est bien moins flexible. Par le Smic, 10% des salariés au moins le perçoivent,12% entre 1 et 1,2 Smic, 16% entre 1,2 et 1,4 Smic : autrement dit, les pouvoirs publics déterminent 40% des bas salaires. Pour l’épargne, sur près de 5000 milliards d’euros de patrimoine financier des ménages, 30% voit sa rémunération fixée par l’état.
Ici tout sera plus lent, dans un pays qui refuse les chiffres. Trump use du MAGA, mais proposer une FAGA : France Avance Grande Anouveau est, au moins, prématuré. Trump traite, avec ses mots et ses moyens, d’une situation voisine de la nôtre : comprenons-la, regardons-nous et agissons, sans céder à la facilité de la critique.