Nous ne sommes pas sortis d’affaire !
Ici, après nos élections, une Guerre des Tiers (des sièges) se déroule au Parlement, sans fin. Chacun campant sur ses positions, il lui est mathématiquement impossible d’obtenir une majorité absolue, seul accès au vrai pouvoir, législatif. Il est en effet bien supérieur à celui du Président, quoiqu’en disent les « commentateurs ».
Ce blocage vient de la dernière élection, avec 33,4% des sièges (sur 577) allant à « la gauche », 25,9% aux « Macronistes » et 24,6% à l’extrême droite et à ses alliés. Aucun rapprochement entre les groupes républicains ne permet de dépasser 50%. D’autant qu’il ne reste pas beaucoup de réserves ! 84% des circonscriptions vont à ces trois groupes, étroitement surveillés par les deux chefs extrêmes, au milieu de huit petits ensembles.
En France donc, nul ne peut diriger. Toute alliance des deux « grands » paraît complexe. Toute menace de sécession partielle est combattue, assimilée à une trahison. Toute échappée hors des « lignes rouges » dessinées par les autres se trouvera exposée à la censure, donc battue. Nous vivons dans un équilibre stable à trois joueurs, mais « stable » dans un monde qui l’est de moins en moins. C’est un « équilibre » suicidaire, sauf si le pays veut disparaître des débats mondiaux.
Ce n’est pas « la guerre de Troie n’aura pas lieu » de Giraudoux qui se joue, c’est pire. Une guerre d’usure. Il n’est plus question de rendre Hélène à Ménélas, ni Matignon à qui sera retenu pour être Premier ministre. Pour ce faire, le Président est chargé d’interpréter les desseins du peuple tiraillé. Bonne chance !
Qui est le plus légitime pour le faire ? Un Président élu le 24 avril 2022, une extrême droite gagnante aux européennes du 9 juin et aux législatives au premier tour du 30 juin, ou une gauche gagnante au second du 7 juillet, sans compter les multiples votes à la Chambre ? Y aurait-il plusieurs légitimités, fonction des dates de scrutins ?
Et si on décrétait une trêve olympique pour d’autres joutes, sportives celles-là, du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre pour les paralympiques ? Si on laissait s’apaiser ces passions, le temps de rebattre des cartes, LR et PS modéré rejoignant les Macronistes ?
Vient alors la démission de Joe Biden, à deux pas de l’élection du 5 novembre ! Ce sera Kamala Harris contre Donald Trump. Mais, près de chez nous, ce sera en tout cas le risque d’une baisse, plus ou moins forte, des financements à l’Ukraine. Elle contraint ce pays à signer un accord avec la Russie, quand le temps lui est encore favorable. La zone euro, dans ce contexte, doit comprendre que Trump est un condottiere, pas l’éventuel Président de la plus grande économie libérale du monde : c’est le chef d’une armée de mercenaires. Et si Kamala gagne, elle sera plus empêtrée que Biden.
Le temps n’est plus où la dette américaine était la contrepartie du degré de risque que le pays prenait pour assurer la paix de tous (et en bénéficier). Le compte n’y est plus, dit Donald Trump, ce que nombre de responsables américains pensent tout bas. Il s’agit de « contenir » la Chine.
C’est maintenant que l’Europe doit sortir de la fausse stabilité où elle s’est mise, tout comme la France. Le monde bouge. La Russie est en Transnistrie, république autoproclamée de Moldavie à la frontière de l’Ukraine. Elle s’approche de ses anciens satellites : Slovénie, Slovaquie, Géorgie, Tchéquie et Serbie. Faut-il penser ici que la « clause de défense mutuelle » du Traité de Lisbonne de 2007 nous suffira ? Elle nous dit que « si un pays de l’UE est victime d’une agression armée sur son territoire, les autres pays de l’UE ont l’obligation de lui porter aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir » (Article 42-7). Peut-on comparer cette « obligation » morale à l’article 5 de l’Otan : « une attaque contre un Allié est considérée comme une attaque contre tous les Alliés » ?
Soyons sérieux : la Russie ne croit qu’à Poutine, pas à la « stabilité » qu’offre le spectacle européen ou à la vénalité américaine. La Guerre des Tiers continuera au Parlement français. « Je tiens compte seulement de deux bêtises : celle des hommes et celle des éléments » dit Cassandre.
Tout se tient : le Parlement vote ici pour affaiblir le Président, donc l’Europe. Ceci arrange une Chine qui voit son ennemi américain se barricader, donc s’affaiblir aussi. Nous voilà prévenus : cessons de jouer et renforçons l’Europe. Notre temps presse.