Un bilan dont il “n’y a pas à rougir” : radioscopie des performances économiques de la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron

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Dans une entretien accordé à la presse régionale, Emmanuel Macron a rappelé que "le chômage est au plus bas depuis dix ans, le pouvoir d’achat n’a jamais augmenté de cette manière depuis douze ans, l’investissement productif repart, les emplois industriels sont recréés". Eclairage.

Un bilan dont il “n’y a pas à rougir” : radioscopie des performances économiques de la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron

© LUDOVIC MARIN / AFP

 

Atlantico : A quel point la baisse du chômage, « au plus bas depuis 10 ans » selon le Président, est-elle imputable au gouvernement ? Quelle part prennent dans ces résultats le contexte macroéconomique ou les mandats de ses prédécesseurs ?

Jean-Paul Betbeze : D’abord, nous sommes là en plein commentaire politique, à quelques jours des élections : impossible donc au responsable politique du pays de dire qu’il rougit de ce qu’il a fait depuis son élection ! Ensuite, les décisions d’emploi se mûrissent dans la durée, en fonction de l’ambiance du moment, de la fiscalité, des lois sociales et, plus fondamentalement de la situation économique prévue. Donc l’emploi est toujours lissé, tributaire en début de mandat présidentiel de l’héritage du prédécesseur et plus encore du fort regain de l’économie à l’époque en zone euro, un regain qui a d’ailleurs surpris tout le monde !

En outre, les lois récentes ont certainement eu un effet positif sur l’emploi, pas seulement les lois facilitant la mobilité ou l’apprentissage, mais, au moins autant, les baisses d’impôt et les simplifications en cours et annoncées, notamment pour les PME. Ajoutons que les hausses de revenu, liées aux « gilets jaunes », devraient soutenir la demande et l’emploi dans les mois qui viennent, sans être pour autant imputables au Président Macron, bien sûr ! Ce sont les entreprises qui paieront.

Enfin et surtout, l’emploi dépendra de la stabilité réglementaire et fiscale des dernières décisions. Ainsi, la remise en cause du barème des indemnités de licenciement par les Prudhommes est un vrai souci, comme la fin de l’ISF, qui serait liée à une « évaluation ». Embaucher est une décision de longue durée, qui s’inscrit dans une ambiance qui doit être le plus durablement propice possible. Le chômage de longue durée baisse, l’emploi à temps partiel baisse, le sous-emploi diminue : il faut donc continuer à permettre aux entreprises d’aller dans ce sens. Moins de fiscalité, plus de simplicité, pas autant de déficit public !

 

Qu’en est-il du pouvoir d’achat, qui « n’a jamais augmenté de cette manière depuis 12 ans » ?

Jean-Paul Betbeze : Oui, si prend les données de l’Insee : le revenu, le revenu ajusté (avec les transferts sociaux) et le revenu ajusté par unité de consommation (en tenant compte de la taille du ménage) ont beaucoup monté fin 2018, respectivement +1,2%, +1% et +0,6%.

Mais, plus précisément et au-delà de cette embellie récente, la période 1999-2018 a été favorable à beaucoup, et la France a tenu dans cet ensemble, sans plus. L’Allemagne grimpe le plus, après la diète des « années Schröder ». La France a « atténué » autant que possible la récession et se trouve ainsi actuellement à 12% au-dessous du niveau de vie allemand, pratiquement comme en 1999. Le Royaume-Uni est plus en retrait, -18%. Et l’Espagne revient de loin, mais toujours à moins de 30% du revenu allemand. Le problème est la glissade italienne. Bref le revenu a tenu en France, bénéficiant aussi de l’embellie récente de la zone et de la montée des dettes publique et privée, mais la productivité est à la traine. La hausse pourra « mal » durer.

 

Que dire de l’investissement productif qui « repart » selon le Président ? Jusqu’à quel point cette reprise est importante ? Et est-elle à mettre au crédit du Président et de son gouvernement ?

Jean-Paul Betbeze : Oui, l’investissement des entreprises augmente de 3,9% selon l’Insee en 2018. Il était temps, en liaison avec l’amélioration de la conjoncture et des marges (un peu, enfin), liée à la baisse de la fiscalité.

Mais des travaux de la Banque de France ont montré que les entreprises en France maintenaient à peine la valeur réelle de leurs équipements, leurs investissements compensant l’usure telle que mesurée par l’amortissement. Mais on peut s’inquiéter aussi des investissements en recherche et en matériels et programmes informatiques, plus pour la formation des salariés, faibles. L’investissement qui fait et fera la différence est autant matériel qu’immatériel,  passant par la formation, autant dire, au risque de se répéter, par les marges !

 

Enfin, qu’en est-il des emplois industriels qui sont selon Emmanuel Macron « recréés » ?

Jean-Paul Betbeze : Oui, mais très peu encore. On compte 3 148 000 emplois industriels (Insee toujours) fin 2018 contre 3 140 000 fin 2016, soit 8 000 de plus. En même temps, les emplois en intérim sont passés de 305 000 à 302 000, soit – 3 000. Au total, + 5 000. Il est donc vrai que la baisse des effectifs industriels a cessé depuis le troisième trimestre 2016, ce qui est positif, notamment dans le dans le contexte actuel de ralentissement économique par la guerre des tarifs douaniers, qui pèse surtout sur l’industrie. Mais on voit à quel point tout ceci est fragile et ne pourra se solidifier que par une politique de simplifications, de flexibilisation, de formation, et de remontée des marges !

Bref, c’est de bonne guerre qu’Emmanuel Macron peigne un table flatteur de l’économie, mais il est excessif de s’en attribuer la paternité : l’économie va un peu mieux partout, grâce aux entreprises surtout. Il reste donc, non pas à continuer mais à accélérer, avant que le temps ne se couvre plus.


Atlantico

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