Sondages présidentiels et bourse : c’est presque pareil !

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Alors que la campagne électorale se poursuit et que les sondages s'accumulent à quelques mois du vote, le CAC 40 vient de battre son record historique en dépassant les 7.100 points.

Sondages présidentiels et bourse : c’est presque pareil !

© Photo: JLPC / Wikimedia Commons

Question : qui va gagner la Présidentielle, quel titre monter le plus ? Les sondages veulent répondre à la première question, les commentateurs financiers à la seconde, mais la logique qui les anime est la même.

Bourse : un titre monte, s’il ne baisse pas : élémentaire ! Il faut donc tout faire pour qu’il monte. Autrement dit, tout faire pour que plus de personnes l’achètent parce qu’elles pensent qu’il a « du potentiel » que de personnes le vendent, déçues, mécontentes ou parce qu’il y aurait plus à gagner ailleurs. Le titre boursier monte à partir d’une stratégie – un parti politique à partir de son programme et de sa communication. Le titre avance avec des réunions, des communiqués et son assemblée générale – un parti avec des manifestations, des colloques et son congrès. Mais titre et parti ont tous deux besoin d’un leader aussi médiatique que possible. Le titre boursier montera en se donnant un objectif de rentabilité et, sans annoncer de valeur, le(a) dirigeant(e) dira alors que le cours « lui paraît encore sous-évalué ». Ce qui revient, en politique, à dire que les sondages ne révèlent pas tout le potentiel du mouvement, selon son(sa) Président(e).

Bourse et sondage : bref il faut toujours vendre du futur, mieux que les autres. L’action doit « surperformer », le parti grimper dans les sondages. Le titre qui monte attire d’autres acheteurs ou des actionnaires qui « renforcent leur position ». La société va alors négocier de meilleurs contrats d’achats ou de ventes, prendre des participations chez ses concurrents ou les acheter, influencer le marché des innovations et des idées, nouer de belles alliances, attirer les meilleurs talents. Pareil en politique : la progression est autoréalisatrice. Crois ou meurs !

Sondage et présidentielle : en France, le marché politique est surtout quinquennal, avec la Présidentielle, ce qui le distingue en apparence du marché boursier, qui cote sans arrêt. En réalité, le marché quinquennal est permanent, lui aussi. Il s’ouvre le soir du résultat du deuxième tour des élections, jusqu’à la veille du deuxième tour des suivantes, cinq ans plus tard. Mais, à la différence de la bourse, le marché politique est plus varié et convergent : plus varié, car il veut « tout » traiter, plus convergent surtout, car tout ce qui se passe dans le monde revient à juger l’occupant(e) de l’Élysée et ceux qui s’en approchent. Est-ce que c’est bon pour lui (elle) ? C’est là que les sondages font leur travail : ils cotent en permanence les candidats et animent le marché, pour révéler le vainqueur.

Macron élu le 14 mai 2017, mais… : juste après l’élection, un sentiment majoritaire naît, qui a tout changé pour la suite : pas de replay du match Macron – Le Pen. Les raisons étaient multiples : « elle » avait échoué deux fois, même en ayant depuis changé de thèmes et « n’avait pas le niveau » ; « il » s’était faufilé dans un interstice politique qui ne pouvait se reproduire, sans compter les critiques venues avec le temps. Bref il fallait du neuf au peuple, et aux sondeurs. A l’extrême droite, ce fut la fulgurance Zemmour, sans programme économique et social proprement dit, mais idéologique : refaire la France, en la faisant sortir de son déclin historique et démographique. Pendant des mois, les sondages ont ainsi éclairé la remontée du titre Zemmour par rapport au titre Le Pen, jusqu’à maintenant où il ne semble plus qu’il pourra le dépasser aisément. Les sondeurs sont donc allés ailleurs, en quête d’une autre surprise : chez les Républicains. Les chiffres montraient alors que Michel Barnier, le fidèle, était sans doute apprécié de ceux restés au parti, mais peu des Français en général – donc sans grand espoir présidentiel. Les sondages poussent alors à des « primaires » entre « fidèles » et « moins fidèles », jusqu’à Pécresse. Nous en sommes donc à trois : Le Pen, Pécresse, Zemmour, par ordre alphabétique.

Encore trop de titres faibles ou moyens à gauche, les sondages doivent aider à réduire la sélection : avec des pourcentages très faibles des Communistes et même des Socialistes, on peut s’inquiéter de la pérennité de leurs entreprises, d’autant que les Socialistes se divisent entre branche officielle (Hidalgo) et officieuse (Montebourg), pour des produits voisins. En outre, le titre Vert (Jadot) plafonne sinon baisse et le Titre Insoumis (Mélenchon) semble plafonner aussi, mais en tête du groupe. Arrive la candidature Taubira, dans ce marché saturé ! Les sondages s’agitent et le premier (Cluster 17) annonce « Christiane Taubira arriverait devant ses concurrents à gauche Yannick Jadot (5%) et Anne Hidalgo (2%) mais derrière Jean-Luc Mélenchon (12%) » dans Huffpost, le 23 décembre. Il faut quand même faire attention, car ceci pourrait dépendre de « la primaire de la gauche », qui n’est pas certaine, où les pourcentages de participation ne sont pas clairs et où ce serait Mélenchon qui serait le premier des candidats pour ceux qui se disent « certains de participer » (ce point n’étant pas très souligné), avec 35% des intentions, contre 25% pour Taubira, 16% pour Jadot et 8% pour Hidalgo! Dans ce contexte confus, si Christiane Taubira est candidate et si le vote populaire a lieu, résisteraient quand même Mélenchon, Taubira et Jadot, si Hidalgo, Montebourg, Roussel et les autres se retirent. Beaucoup de si.

Bourse et sondages, le « jeu » de sélection n’est pas du tout fini. Nous en sommes « au moins » à six candidats : Macron, Pécresse, Le Pen, Zemmour, Mélenchon, Taubira ou huit, avec Jadot et Hidalgo. Beaucoup trop, pour la joute finale. Les sondages seront donc plus fréquents, suscitant des sprints entre ceux qui disent préférer X et ceux qui détestent Y et feront tout (mais quoi ?), contre elle ou lui. Encore un mois ! Et la vraie bourse ? Pour le moment, elle regarde ailleurs, à plus de 7100 pour le CAC 40, son record. « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », disait le général de Gaulle. On dirait aujourd’hui : la corbeille ne fait pas la politique de la France. Faut-il souhaiter que cela dure ?

 


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