BCE : Christine Lagarde sort un bazooka aux contours imprécis

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Ce 21 juillet, la BCE a profondément changé, peut-être en entrant plus sous l’influence allemande. En effet, elle annonce une augmentation surprise de son taux à court terme à 0,5%, alors qu’elle avait annoncé à Amsterdam, il y a un mois, que sa prochaine hausse serait de 0,25%.

BCE : Christine Lagarde sort un bazooka aux contours imprécis

Mais la surprise n’est pas seulement que la BCE augmente ses taux deux fois plus vite que prévu, mais qu’elle entend continuer et surtout se départir de sa logique d’annonces de ses actions futures : le pilotage de ses anticipations, la fameuse forward guidance. Pour expliquer cet important changement, Ch. Lagarde reprend les arguments traditionnels notamment une inflation plus forte, répandue et  durable que prévu. Il fallait donc agir plus rigoureusement, mais la différence est que Ch. Lagarde annonce, au détour d’une phrase, qu’elle abandonne la forward guidance pour coller aux chiffres, mois après mois. C’est en cela que nous sommes plus dans une logique allemande, celle de la Buba puis celle de JC Trichet, qui répétaient : « we do not precommit », autrement dit, nous ne nous engageons pas pour la séance qui suit. Il ne s’agit pas d’être perçus comme étant « dans les mains des marchés financiers », en les mettant dans la confidence de ce que l’on fera. Donc augmenter les taux plus que prévu en même temps qu’abandonner la forward guidance paraît un tournant dans la politique monétaire européenne qui devient ainsi plus germanique.

Pour ceux qui attendaient un Bazooka, autrement dit un outil nouveau de la BCE pour éviter « la fragmentation », autrement dit pour réduire des écarts de taux longs trop importants pour les pays fragiles (Italie pourquoi pas), ils seront déçus. De fait, un outil nouveau est annoncé : le TPI (Transmission, Protection, Instrument). Il sera rangé à côté du PEEP et de l’OMT, outils classiques de gestion des taux longs, et prévu sans taille maximum. Il n’y a donc pas à s’inquiéter d’une taille trop faible, mais c’est là que s’arrête les bonnes nouvelles. En effet, cet outil est ouvert à tous les pays membres, donc il pourrait être énorme… sous la condition que ces pays répondent à 4 critères : ne pas être sous le coup d’une mesure de sanction pour dépassement excessif de déficit, ne pas souffrir de déséquilibres structurels importants, suivre une trajectoire de dette publique soutenable, enfin mener des politiques macroéconomiques saines et soutenables !`

Évidemment, aucun nom n’est cité, mais on imagine que l’Italie aura des difficultés à satisfaire à ces conditions, surtout aujourd’hui, et l’on ne sait pas ce qu’il en sera de la France. Ch. Lagarde indique, au détour d’une phrase, qu’à côté de ces critères, qui seront tous précisés, il en existe d’autres plus politiques et internes qui ne seront pas diffusés. Elle ajoute que tout le monde comprendra les raisons de ce choix…sauf qu’il laisse place à tous les rapports de force que l’on voudra !

Au total, on ne peut éviter de penser qu’il s’agit là d’un échange de (bons ?) procédés entre l’acceptation d’une hausse des taux courts plus haute que prévue et l’abandon de la forward guidance contre ce Bazooka a priori généreux, mais aussi exigeant et plus politique.

On peut donc comprendre l’embarras de Ch. Lagarde pour expliquer ces revirements et ces changements d’analyse… et de rapports de force, le lendemain du départ de Mr Draghi. Jamais le mot Italie, ni le nom de Draghi, n’ont été prononcés par elle, mais ils étaient dans tous les esprits. En réalité, une page s’est tournée dans la politique monétaire de la BCE et plus tôt nous en serons convaincus, notamment en France, mieux cela vaudra.


Atlantico

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