Christine Lagarde appelle Jean-Luc Mélenchon

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 Christine Lagarde appelle Jean-Luc Mélenchon


Christine
Lagarde : Bonjour Monsieur Mélenchon, voilà quelque temps que je vous écoute depuis ma tour. Et aujourd’hui, je ne résiste pas à vous joindre, un appel qui n’aura pas eu lieu.

Jean-Luc Mélenchon : Bonjour Madame, je suis ébahi de vous entendre et n’en parlerai à quiconque. Vous avez ma parole : je n’ai jamais trahi mes engagements !

Ch L : Je n’en doute pas. Je vous contacte au sujet de deux de vos interventions pour la présidentielle française : elles me posent problème.

JL M : Deux seulement ?

Ch L : Oui. D’abord, quand vous proposez d’annuler la dette de la France détenue par la Banque de France, en disant que ceci n’aura aucun effet, puisque c’est de l’argent que l’état se doit. Ensuite, quand vous dites qu’il faut taxer les « riches », sur leur revenu et leur patrimoine, pour payer la « dette Covid », comme on dit en France.

JL M : Je comprends que vous ne voulez pas l’annulation, pour des questions de principe, mais ça permettra à la France de repartir ! Et je comprends pour l’impôt, mais ça assainira la situation française, aussi pour mieux repartir !

Ch L : Je crains que ce ne soit l’inverse. Si la France annulle la part de dette publique que détient la Banque de France, ce n’est pas une opération blanche. Elle va affaiblir l’Italie, surendettée, avec trop peu de croissance, une baisse de sa population, une crise de son tourisme, alors que ceci fait dix ans que Draghi, puis moi, la soutenons à bout de bras, ses entreprises, ses banques, ses régions. Alors, les marchés financiers vont immédiatement réagir à cette annulation qui se croit seulement « française » et demander : « qui, après » ? Et Draghi, aujourd’hui patron de la politique italienne, devra jurer qu’il veut payer. Mais quand même, ses taux vont monter et je vais devoir le soutenir, alors que j’en fais déjà beaucoup et que les Allemands ne cessent de râler. Annuler la dette publique française, c’est faire tomber l’Italie !

JL M : Et les impôts, afin que les « riches Français » payent la dette ?

Ch L : C‘est pire. Non seulement parce que, tout comme avec votre idée d’annuler la dette publique française, les marchés vont demander partout, cette fois aux politiques européens, ce qu’ils ont eux en tête. Ceci va nous diviser, mais surtout vous allez lancer l’idée de… rembourser la dette. Mais on a tout le temps ! Et si la zone euro se veut moins endettée, alors l’euro monte par rapport au dollar, qui ne se soucie ni de sa dette, ni de son change ! Vous allez affaiblir encore l’Italie, l’Espagne et la France, et faire gagner l’Allemagne et surtout les Etats-Unis.

JL M : Mais je dirige La France Insoumise… aux autres, aux lois du marché, de la zone euro et des Etats-Unis !

Ch L : Certes. Mais vous allez, en fait, faire monter les taux d’intérêt de la dette française et l’euro, donc affaiblir encore les entreprises françaises, l’emploi, l’exportation et menacer les pays les plus fragiles. Les politiques de la zone euro vont alors vous laisser seul : La France Isolée, pour se rapprocher de Francfort.

JL M : Vous bluffez : l’Internationale des marchés contre celle des peuples ! Refaisons les traités, vive La France Indépendante !

Ch L : Vous savez bien que ce n’est pas possible, et ne l’a jamais été. Nous sommes de plus en plus ensemble, que ce soit pour manger, nous soigner, communiquer, vivre. Et la Russie, inquiétante, est proche, la Chine achète nos entreprises et l’Afrique cherche un appui chez nous, pour être plus indépendante des USA et de la Chine. Il faut renforcer la zone euro, pas l’Allemagne et moins encore ces deux autres !

JL M : Mais je ne peux pas dire le contraire de ce que je dis depuis des mois !

Ch L : Bien sûr, mais mettre plus l’accent sur une fiscalité européenne ou sur la maîtrise de la dette publique à long terme, en disant que l’essentiel est l’emploi et la formation dans ce nouveau monde. La France Inégale des emplois et des devenirs est votre ennemie !

JL M : C’est plus compliqué à vendre que « faire payer les riches ».

Ch L : Je sais. Les politiques doivent travailler dans ce monde complexe, au milieu de tous ces groupes d’expression et de pression : les syndicats encore, les religions, les ONG… plus les réseaux dits « sociaux ». Dans mon domaine, compliqué aussi, je résiste en m’accrochant à « mon mandat » : l’inflation à 2%.

JL M : Et moi ?

Ch L : La France unie pour une Europe puissance ?

JL M : Bisounours !

Ch L : C’est ce qu’on dit quand c’est compliqué.

JL M : Merci de votre appel.