La pensée écologique peut-elle fonder des choix économiques ?

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La pensée écologique peut influencer les choix économiques et pourrait se mettre au service de la croissance, de l’emploi et des entreprises.

La pensée écologique peut-elle fonder des choix économiques ?

Non, si elle reste seule, sans alliances politiques, à l’inverse de ce qui vient de se passer en Allemagne, avec les Socialistes et les Libéraux ! Par exemple, fallait-il contourner Strasbourg par l’autoroute de 24 kilomètres que le Premier ministre vient d’inaugurer ? Est-ce un « désastre écologique » selon le collectif GCO, ou un moyen de désengorger la ville, en passant par l’ouest ? Certes, il y aura eu des oppositions, des occupations et des plaintes en justice, pendant vingt ans. Certes, les procédures écologiques auront été suivies pour que le dossier soit accepté : « éviter » (le tronçon ne traverse pas de zones trop sensibles), « réduire » (les risques à la biodiversité, avec 130 passages pour la faune, dont deux ponts pour les hamsters), « compenser », en recréant l’équivalent des zones impactées. N’empêche, les écologistes ne sont pas convaincus, tandis que d’autres pourront penser que l’argent dépensé pour les hamsters aurait pu l’être pour l’emploi, chez les humains.

Mais l’écologie, c’est choisir ou dire non ? Normalement, c’est choisir, c’est-à-dire analyser, comparer et négocier, comme pour tout dans l’économie et dans la vie. Mais c’est de plus en plus difficile avec l’écologie, si elle veut rester seule dans « ses » problèmes ! Bien sûr, nous sommes entourés de choix à tout moment, choix personnels, choix dans l’entreprise, comme salariés ou responsables et également pour les responsables publics. En outre, les choix deviennent plus compliqués parce qu’ils intègrent toujours plus de paramètres à prendre en compte. Tout décideur a ses préférences, reçoit des informations, écoute son entourage, fait des projections, sans oublier les réseaux sociaux. Mais, à la fin des fins, les choix sont la comparaison entre des coûts et des avantages, exprimés en euros. Les choix écologiques ne peuvent échapper à cette logique, mais ils la compliquent. Construire une autoroute, une voie ferrée, une usine, un entrepôt ou un centre commercial, c’est toujours réduire les surfaces agricoles, cimenter et émettre du CO2, mais c’est aussi permettre des emplois. Comment comparer, intégrer l’irréversible, les risques et les avantages ? Et pour aider à décider, que fait-on sans alliés politiques pour modérer les choix et aider à faire accepter ?

Principe pollueur-payeur : cette réponse économique est bien connue. C’est la base de l’économie politique de l’écologie. Mais elle fait monter les prix, sans le reconnaître ! En effet, construire (par exemple des maisons), c’est aussi détruire (par exemple des arbres), donc agir, créer, c’est aussi polluer. On pourra dire que les prix du plancher ou du four électrique sont sensés compenser ces coûts… sauf qu’il faut ajouter que la biodiversité est atteinte en coupant des arbres ou que le four a un mauvais bilan carbone, le tout sans que les prix en tiennent compte. Ce sont des « dommages » difficiles à  mesurer, d’autant qu’ils concernent le long et le très long terme. Les prix actuels, pris dans l’engrenage de la concurrence, ne sont pas écologiques. Si l’on reprend la rocade de Strasbourg, on comprend que tout a déjà été plus cher qu’une approche de minimisation des prix à court terme ! Mais ce n’est pas fini, si l’on cherche à poursuivre les recherches pour compenser les prix « écologiques » des métaux, des goudrons, sans compter les effets de cette autoroute dans la durée, puisque ces voies seront utilisées des années, participant ainsi au réchauffement climatique avec le CO2 !

Cette augmentation écologique des prix est utile si…elle permet de continuer à mieux avancer et si elle n’est pas une excuse pour tout bloquer. Si elle est menée aussi partout dans le monde, selon les mêmes principes, pour ne pas faire acheter ailleurs, donc à faire faire ailleurs, des produits où le « contenu en pollution » aura été sous-estimé. Le dumping écologique est un risque, à l’import ou à l’export, qui pèse sur les entreprises qui font des calculs plus complets et sur leurs emplois.

On dira aussi que cette augmentation écologique des prix est utile si… elle est connue. Le principe pollueur-payeur s’applique toujours, mais très mal dans le noir. Cette fameuse rocade strasbourgeoise fera payer des années de plus son péage par rapport à une approche moins environnementaliste. Mais personne ne le dit, donc nul ne le saura, donc nul salarié ou gilet jaune ne protestera du surcoût, en le trouvant trop faible… ou trop fort !

Cette augmentation écologique des prix doit donc être explicite. Tout programme économique Vert doit répondre à trois questions : « quel est le coût du pollueur ? », avec les méthodes de calcul retenues – dont un prix du carbone, « qui sont les payeurs ? », avoués ou non et à quel terme, et surtout : « si on ne fait rien, pour ne pas polluer plus, que se passe-t-il » ?

Donc cette augmentation écologique des prix doit être politiquement partagée, car le « le coût de l’anti-pollueur », celui qui crie mais refuse tout, est plus élevé encore que « le coût du pollueur », et il n’apparaît nulle part ! Il dit attendre que « les autres » expérimentent et que les technologies mûrissent. Ainsi, Nicolas Jadot, s’il est élu, annonce qu’il ne mettra pas en fonctionnement l’EPR de Flamanville, si risqué. Ce qui est sûr, si un Président suivant revient sur cette décision, c’est que cet EPR sera dépassé, la capacité d’EDF d’en exporter ruinée, les nouvelles sources électriques d’origine nucléaire abandonnées, le prix de l’électricité sera plus élevé, la compétitivité française rabotée, notamment en matières agricole et industrielle. Ne pas faire, c’est faire.

Impossible programme à gauche : les Verts sont trop forts par rapport aux Socialistes, donc les Socialistes trop faibles pour élaborer avec eux un dosage économiquement efficace et politiquement acceptable. C’est l’inverse d’une Primaire qu’il faudrait ! Pour avoir des chances politiques de « passer », un programme Vert doit beaucoup s’adoucir, du fait de ses graves conséquences économiques, sociales et géopolitiques sur l’énergie, les voies, les automobiles ou l’agriculture notamment. Dans ce contexte, les Verts ne peuvent avancer seuls leur programme. Moins de croissance et plus d’inflation en est le prix à payer, avec beaucoup de ruptures et de changements, au moins à court et moyen terme. On comprend donc pourquoi les Verts ont besoin d’appuis politiques extérieurs, plus sociaux, notamment en termes de salaire, de formation et de retraite pour « passer ». Mais les Socialistes sont trop faibles pour payer le prix qui reste.

Alors, que faire des Verts à droite ? Rien du côté d’Eric Zemmour. Peu avec le RN qui a un Parti localiste, créé avec deux de ses responsables, pour parler davantage d’écologie, de territoires et de circuits courts. Pas grand-chose, surtout pour des raisons politiques, avec Valérie Pécresse. Elle est favorable à une transition écologique certes, pour « en faire un atout pour défendre nos emplois ». Elle entend aider les entreprises qui s’adaptent, dans une logique d’innovation, mais sans « tout contrôler de manière tatillonne », avec un soutien à l’industrie nucléaire, « filière d’excellence française ».

Pas grand-chose à attendre non plus, pour des raisons idéologiques sinon psychologiques, avec Emmanuel Macron : il les a vexés. Il a fermé Fessenheim, quatre centrales à charbon, abandonné Notre-Dame des Landes, interdit le glyphosate et réduit les plastiques. Il lance une « loi climat » et le plan de relance française de 100 milliards, validé par l’UE, prévoit de consacrer un tiers des fonds à la transition écologique, notamment pour la rénovation thermique des bâtiments. Mais il soutient de petits programmes nucléaires. Pire, il profère en septembre 2020 : « Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine ni en revenant à la lampe à huile ». On ne se moque pas des Verts (de rage) !

Alors : la pensée écologique peut-elle fonder des choix économiques ? Oui, seulement si elle veut réussir au service de la croissance et de l’emploi, donc des entreprises, avec des alliances, donc des compromis, dans un cadre géopolitique qu’elle ne peut oublier. 


Atlantico

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