Jean-Paul Betbèze : « La modération des prix oblige à innover et à gérer les frais au plus serré »

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La modération des prix oblige les entreprises à innover, à gérer les frais au plus serré, à favoriser la modération salariale. Elles doivent engager une gestion sérieuse du business, afin que l'économie française aille doucement vers plus de croissance.

Comment jugez-vous le premier bilan 2013 du CAC 40 ?

Le CAC 40, c’est le monde. Ces entreprises ont réussi la mondialisation. En 2013, elles ont donc bénéficié du fait que le monde, globalement, va mieux. Leurs résultats vont continuer à s’améliorer avec un contexte que la Bourse va aimer : une croissance modérée, autour de 1 % en France, et une inflation modérée, inférieure à 1 %. Cela peut paraître étrange, mais c’est un bon corridor pour les entreprises, qui vont devoir entrer dans une phase d’amélioration de leurs produits, de leurs processus de production. La modération des prix les oblige à innover, à gérer les frais au plus serré, à favoriser la modération salariale. Elles doivent engager une gestion sérieuse du business, afin que l’économie française aille doucement vers plus de croissance. C’est une situation favorable en Bourse. En revanche, les investisseurs n’aiment pas l’inflation, car elle permet aux entreprises qui ne sont pas assez efficaces de rester cachées.

Justement, dans quel état les entreprises françaises sortent-elles de la crise ?

Si les entreprises du CAC 40, mondialisées, avec une faible part de leur activité en France, s’en sortent bien, pour les PME, c’est totalement différent. Ces dernières ne sont pas sorties d’affaire, et notamment les PME françaises. Leur rentabilité est beaucoup trop faible par rapport à leurs concurrents allemands et cet écart ne fait que se creuser. Selon les secteurs d’activité, il y a une part assez importante de PME qui ne vont franchement pas bien et qui souffrent de plus en plus, d’où les demandes en matière de réduction des charges.

Les dernières statistiques dans la zone euro sont plutôt rassurantes. Ce n’est plus un souci pour les marchés ?

Pour moi, en 2014, «  la zone euro is back ». La phase aiguë de la crise est derrière nous. On sait qu’elle a été dissymétrique entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, mais on sent qu’il y a un engagement très fort des Etats pour réduire ces écarts. Nous sommes maintenant dans une phase de réparation, qui va durer plusieurs années, mais la Banque centrale européenne a les moyens de gérer la sortie de crise avec des taux qui vont rester plus bas que les taux américains.

Certes, il y aura sans doute une contagion lorsque les taux américains vont remonter, mais cela sera moins net. Actuellement, les taux les plus bas du monde sont les taux allemands. Par ailleurs, l’Italie, l’Espagne, ont fait des efforts qui sont très appréciés par les marchés. On peut parler d’une redécouverte de l’Union européenne par les investisseurs : le système tient, la BCE est là, l’Union bancaire se construit. Tout cela est positif

Les Etats-Unis vont-ils redevenir le moteur de la croissance mondiale ?

Nous sommes dans une phase de rééquilibrage de la croissance mondiale. Lors de la crise, les pays émergents comme le Brésil, la Russie et surtout la Chine ont pris le relais. Ils ont profité de la politique monétaire accommodante de la Fed, qui a apporté de la liquidité sur tous les marchés. Les émergents ont aidé les Etats-Unis à sortir de la crise. Mais aujourd’hui, c’est fini. Les banques centrales des pays industrialisés vont peu à peu normaliser leurs taux d’intérêt et c’est déjà ce qui est en train de se produire sur les marchés financiers.

Dans le même temps, les investisseurs ont des interrogations sur la croissance chinoise, sur son système financier. Les émergents ne peuvent plus soutenir les pays industrialisés. Mais l’idée que l’un peut prendre le relais de l’autre est une idée trompeuse. Les pays émergents vont devoir prouver leur capacité à produire de la demande interne. Et l’on risque d’avoir des surprises comme en Chine, où il y a eu un surinvestissement, pas toujours productif.

P. F.

Les Echos

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