Discussion avec Jean-Paul Betbèze, membre du Cercle des économistes

- Ecrit par

Jean-Paul Betbèze : Bonjour à tous. bobby129 : quel peut être l'impact d'une intervention militaire en Syrie sur l'économie mondiale et les Bourses? Jean-Paul Betbèze : Vous avez vu que jusqu'à maintenant les marchés ne paniquent pas. Le prix de l'or est calme, comme le prix du pétrole. Pour les marchés financiers, l'idée est d'une intervention mesurée destinée à envoyer un message au président syrien. La question est : est-ce que c'est possible? Quels seront les effets ultérieurs d'une intervention? Mais, encore une fois, les marchés regardent. M827100 : Sans perfusion des banques centrales, les Bourses américaines et européennes ne risquent-elles pas de s'effondrer à nouveau en l'absence de reprise vraiment solide? merci. Jean-Paul Betbèze : A l'heure actuelle, tout se joue et tout dépend de la politique monétaire américaine. La nouvelle stratégie de la Fed, la "forward guidance", autrement dit l'annonce de la logique suivie par Bernanke a remis la Fed à la tête du jeu et conduit toutes les autres politiques monétaires à s'aligner sur elles et à suivre...

Jean-Paul Betbèze : …Bernanke va réduire peu à peu ses achats de bons du trésor et, en réalité, les marchés ont fait au moins 2/3 du chemin dans l’augmentation des taux longs. Dans ces conditions (et sans prendre en considération l’effet Syrie), les Bourses américaines et européennes devraient tenir tandis que les Bourses émergentes, évidemment, souffrent…
Jean-Paul Betbèze : … »L’argent facile », à savoir la politique monétaire menée par la Fed pour se sortir d’affaire, n’a plus lieu d’être. Il y a donc une prime à la Fed : 1) elle est maîtresse du jeu. 2) tout le monde l’a suit.
roro3833  : L’élection allemande qui se profile serait déjà jouée selon les sondages parus récemment outre-rhin. Le parti dirigé par la chancelière Angela Merkel devrait être facilement reconduit, ce qui m’amène à me poser la question suivante: quelles pourraient être les réelles conséquences de cette élection sur les marchés financiers alors même que l’issue du scrutin est connue de tous?
Jean-Paul Betbèze : Vous avez raison. On a le sentiment que le résultat est joué. Faisons attention cependant, compte tenu des modalités du scrutin. Il n’empêche que l’on comprendrait mal qu’Angela Merkel soit sanctionnée pour la politique qu’elle mène!..
Jean-Paul Betbèze : …L’important, comme vous le dites, c’est la suite, et une chancelière réconfortée par les élections dans une économie plus forte fera entendre plus nettement sa voix. Ceci peut poser problème à la France qui jusqu’à maintenant ne s’est pas beaucoup ajustée. On peut poser en effet que l’Allemagne demandera à la France plus d’efforts en matière de réduction de la dépense publique…
Jean-Paul Betbèze : …et d’assainissement de son système de retraite. Jusqu’à présent, on ne comprend pas comment la réduction du déficit va se mettre en place sans un vrai allongement des temps de cotisation. Autrement, le débat sur la CSG risque de revenir.
M2889755 : Bruxelles avait posé des conditions en matière de réformes pour nous donner deux ans de délais. Pensez-vous que la non-réforme des retraites sera sanctionnée par la CEE ?
Jean-Paul Betbèze : Bruxelles a donné du temps à la France pour qu’elle s’ajuste dans une conjoncture difficile pour tout le monde. Mais on voit que les réformes payent (Espagne, Portugal, Italie) même si elles sont évidemment difficiles. La France attend, combine des propositions et s’ajuste surtout par l’impôt. Cet ajustement par l’impôt pèse sur la croissance…
Jean-Paul Betbèze : …parce qu’il freine la consommation des ménages et plus encore l’investissement des entreprises. Les entrepreneurs sont inquiets : leurs marges sont très faibles. Les consommateurs demandent des prix toujours plus bas, la concurrence extérieure est toujours plus forte (avec des baisses de salaire en Espagne et en Italie par exemple)…
Jean-Paul Betbèze : …et combien va durer la pause fiscale?
Jean-Paul Betbèze : …Bruxelles a donc temporisé mais ne s’est pas endormi. Il faudra faire des choix en France pour stimuler l’investissement d’un côté et réduire la dépense publique de l’autre.
unknown9  : la 8ème question concerne les résultats du Trim3, excusez du peu… Et il risque d’y avoir de très grosses surprises…
Jean-Paul Betbèze : Vous avez raison. La croissance du T2 est technique : il y a un effet de restockage et la consommation a monté simplement parce que les hausses de prix ont été plus faibles que prévu. Le pouvoir d’achat des bas salaires a bien résisté. Mais au T3 l’effet désinflation ne jouera pas et surtout le restockage peut se réduire. Attendons-nous donc à un chiffre plus bas…
Jean-Paul Betbèze : …Au total la croissance française en 2013 est attendue à 0,1%… Ce qui prouve qu’il faut serrer la dépense et ne pas commencer à distribuer une prétendue cagnotte.
M8321893  : Monsieur,J’ai lu ici ou là que le CAC pouvait chuter courant septembre-octobre vers 3700. Qu’en pensez-vous? Si cela était une hypothèse des plus plausible quelles en seraient les raisons? Je vous remercie. RD
m.dulong  : Que pensez vous du CAC d’ici la fin de l’année et en particulier de l’action ToTalMerci de votre réponse
Jean-Paul Betbèze : Le Cac 40 vit sa vie qui est la vie de l’économie mondiale. Les Etats-Unis vont mieux, la Chine se reprend, l’Europe aussi. Les grandes entreprises mondiales sont donc bien placées. Après l’ajustement qui a lieu sur les pays émergents (Inde, Brésil, Turquie etc.), elles peuvent parfaitement revenir sur ces marchés qui ont baissé de 20%…
Jean-Paul Betbèze : …Donc, hors crise géopolitique majeure, les grandes Bourses peuvent poursuivre leur évolution.
bersonmi : les différentes questions que l’on se pose sur la rentrée militent pour une continuité de la hausse des taux longs, notamment aux USA, pensez vous que cela peut se traduire en krach obligataire ?
Jean-Paul Betbèze : La remontée des taux longs est l’envers du « quantitative easing ». Pendant des mois, la Fed a acheté des bons du trésor et a fait baisser les taux d’intérêt à 10 ans d’au moins 100 points de base. Aujourd’hui c’est fini et l’annonce d’achats inférieurs a déjà suffi pour que les marchés se réajustent…
Jean-Paul Betbèze : …Je vous propose de regarder le 30 ans qui lui n’est pas sous l’influence de la Fed mais qui traduit le sentiment des marchés. Il est autour de 4%, soit autour de 2% de croissance et de 2% d’inflation. Ce qui est normal. Autrement dit, l’ajustement s’est fait sur le 10 ans (à 2,8%) et le 30 ans est normalisé.
jmr12 : Bonjour Mr Betbèze,  Nous venons de constater depuis le début de l’été une hausse des taux d’intérêts ‘ d’environ 0.3 pts). Pensez-vous que cette hausse  va se poursuivre? Merci
Jean-Paul Betbèze : La question des taux longs est décisive pour la suite. Ceci renvoie au niveau américain à la politique de la Fed mais aussi à la façon de gérer le plafond de la dette publique. Et du côté européen, à la façon de gérer dans le temps le désendettement public. Pour le moment, l’essentiel de l’ajustement est fait et les discours de la Reserve Federal ont réveillé tout le monde, mais sans excès.
M2889755  : les marchés détestent l’incertitude. Pensez-vous que Bernanke a été habile en annonçant très à l’avance une réforme hypothétique et en cherchant ensuite à corriger le tir par une communication des plus chaotiques ? N’eut-il pas mieux valu agir d’abord et commenter ensuite ?
Jean-Paul Betbèze : Ne prenez pas mal ce que je vais vous dire : les marchés, c’est par définition l’incertitude … Il faudra donc que les marchés s’y fassent. Toute la politique économique est de la réduire, de la guider. Quand les patrons d’entreprise parlent de leur société, ils essaient aussi de réduire cette incertitude…
Jean-Paul Betbèze : …Bernanke n’avait pas le choix. Il fallait donc prévenir que les choses changeraient et d’ailleurs les marchés le savaient et s’inquiétaient de taux d’intérêt trop bas. Mais comme vous le proposez, mettre les marchés devant le fait accompli sans les préparer aurait eu un effet extrêmement violent…
Jean-Paul Betbèze : …La politique de Bernanke a donc été une politique de révélation graduelle de ce qu’il voulait faire : la « forward guidance » et toutes les autres banques centrales l’ont suivi.
placido4 : bonjour,    croyez-vous à un faisceau d’événements favorisant une tendance tendance baissière des marches ?
Jean-Paul Betbèze : L’inquiétude des marchés vient selon moi d’un ralentissement important de la Chine. Ce ralentissement pourrait venir par exemple de problèmes bancaires et financiers dans ce pays. Mais vous avez vu que la banque centrale est intervenue et en cas de drame, les réserves de change sont énormes…
Jean-Paul Betbèze : … Il y aura donc un ralentissement chinois dans le temps, graduel, annoncé par les autorités mais tout sera fait pour éviter un choc bancaire. On voit bien d’ailleurs que ce qui se passe sur les marchés émergents vient du changement de la politique monétaire américaine et pas d’une inquiétude venant des pays émergents eux-mêmes…
Jean-Paul Betbèze : …Il faut donc rester prudent. La situation n’est évidemment pas stabilisée à tous les points de vue mais il vaut mieux retourner à des politiques normales de taux aux Etats-Unis et ailleurs… et faire les réformes qui s’imposent.
Jean-Paul Betbèze : Merci pour vos questions.
Animateur : Merci à tous. Le tchat est terminé.

Boursorama

Aller sur le site