Un regard sur la conjoncture par Jean-Paul Betbeze, Economic Advisor pour Deloitte.
Excès de poids, en anglais, ou de liquidité, en français ? Les raisons s’ajoutent, pour expliquer la correction des marchés en cours. Est-ce la fin d’une rare série gagnante ? Le début d’un retournement durable ? L’effet d’un malencontreux concours de circonstances ? Pour l’heure, retenons cette explication. Le choc, qui fait baisser le Dow Jones de 26 600 le 29 janvier à 23 600 le 6 février, suivi d’une remontée chahutée à 24 133 le 9, serait ainsi lié aux effets conjoints, depuis les Etats-Unis :
- de la difficile sortie de la crise financière de 2007-2008 (les subprimes). Elle avait conduit la banque centrale américaine (puis les autres), à acheter des bons du trésor pour éviter une crise des finances publiques et à faire baisser les taux pour alimenter la reprise, jusqu’à maintenant. Cette baisse des taux a poussé à une montée des dettes et des prix d’actifs, à une baisse de la volatilité et à une très faible inflation, ainsi qu’à la vente de produits financiers (complexes et opaques) pariant sur la prolongation de cette faible volatilité. Tout ceci vient d’être remis en cause avec la remontée des taux, suite à des tensions inflationnistes.
- de la révolution technologique. Elle déclasse les activités et les savoirs traditionnels et implique qu’un taux de chômage très bas n’est pas (encore) de nature à faire repartir fortement l’inflation salariale. Il reste cependant que la montée des salaires et des prix est en jeu, lente peut-être, mais rien n’est sûr : la croissance se poursuit, donc la hausse peut être faible, certes, mais répandue (lowflation).
- de la politique fiscale de Donald Trump. Elle dynamise encore la croissance, alors qu’elle est déjà au plein emploi, et creuse le déficit budgétaire, à l’approche du plafond de la dette. Même si des ajustements de dernière période repoussent les échéances du plafond de la dette (un an), cette dernière ne fait que monter.
- plus des cessions automatiques de titres, comme toujours (program trading), passées certains seuils de baisses,
- plus des interrogations politiques sur les choix de Donald Trump lui-même, en matière de politique internationale et nationale : souhait de faire de « grands travaux ».
La conjonction de l’accélération de l’inflation salariale, longtemps attendue et finalement perceptible, du creusement actuel et surtout futur du déficit budgétaire, plus les facteurs politiques et géopoliques, créent ainsi une brusque hausse des taux longs. Elle pèse sur les bourses, les changes, et bientôt (peut-être) sur la croissance. La prochaine attente des marchés sera la trajectoire des taux de la Fed. Des tensions nouvelles (samedi 10 février) peuvent naître, indirectes, suite aux accrochages entre Israël et Iran. Ce point sera à suivre, dans la montée actuelle de la nervosité.
A voir donc, en fonction de Jay Powell, successeur de Janet Yellen, pour les taux américains. En toute hypothèse, la baisse des cours boursiers a été forte, elle se corrige aux Etats-Unis, pas (encore ?) en zone euro, mais la hausse des taux longs, elle, demeure. N’oublions pas l’essentiel : nous vivons une reprise globale, synchrone et nerveuse.
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