Chute des marchés financiers : à qui la faute ?

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Le Docteur Knock le disait : « La santé est un état précaire qui ne laisse présager rien de bon ». Tout allait si bien, aux Etats-Unis ! La croissance était revenue, après cette crise de 2008 qui avait fait si peur. On avait craint un nouveau 29. Le bon Docteur Bernanke, patron à l’époque de la Banque centrale américaine, avait alors acheté des tombereaux de bons du Trésor, avec l’argent qu’il créait (la « machine à imprimer » de la Fed), pour éviter le pire et la déroute du dollar. Ayant terminé son mandat, il passe sa blouse au bon Docteur Janet Yellen qui continue, plus ses propres dosages : baisse du taux de chômage, hausse du taux d’emploi. Mais elle est poussée vers la sortie fin janvier (par Donald Trump), laissant une économie en croissance (2,6%), en plein emploi (4,1% de taux de chômage) et sans beaucoup d’inflation (2,1%). Arrive son successeur, Jerome Powell, pour administrer la clinique Trump et ses propres potions.

 Chute des marchés financiers : à qui la faute ?

Plein emploi sans fièvre : il fallait faire attention ! Les salaires horaires se mettent un peu à monter en janvier, 2,9% sur un an contre 2,6% en décembre, mais ce « un peu » déclenche l’alarme. L’inflation s’est réveillée ! De fait, cette longue reprise de l’économie américaine jusqu’au plein emploi sans inflation avait de quoi inquiéter. La courbe de Phillips est-elle morte ? Cette (vieille) relation qui rapprochait le taux de chômage du taux d’inflation (moins de chômage implique plus d’inflation) et guidait la Banque centrale ne marchait plus ? Que se passe-t-il si cette « courbe » devient « horizontale », si la baisse du chômage ne fait plus monter le taux de salaire ?

L’explication de Janet Yellen n’est pas que la courbe est plate, mais qu’elle l’est devenue le temps de digérer la crise de 2008. Et comme l’économie va mieux, la courbe se redresse. Mais le corps économique américain a changé. Pendant des mois, le taux de chômage a baissé aux Etats-Unis (de 10 à 4,1%), sans faire monter les salaires et les prix. Le souvenir traumatisant de la crise, plus la concurrence mondiale, plus les nouvelles technologies, ont changé les comportements. Les consommateurs/salariés sont plus sensibles que jamais aux prix et plus désireux de circuits courts, sachant qu’en même temps les entreprises optimisent leurs chaines de production. Les nouvelles technologies pèsent sur les emplois répétitifs (pour les mécaniser) et sur les personnes peu ou pas assez formées, tandis que les salaires des experts montent. Cette hausse salariale localisée ne se voit pas trop, jusqu’à ce que les effets de la baisse des taux et de la désinflation soutiennent suffisamment la demande pour qu’elle reparte, par exemple dans la construction, et l’emploi avec, puis l’inflation.

C’est ce brusque réveil inflationniste qui se manifeste quand Donald Trump met en place, et surtout vante, sa réforme fiscale. Ce sera plus de salaires et de bonus, plus de revenu disponible pour tous, plus de dépenses pour la défense, au moment même où le Congrès n’arrive pas à boucler son budget et où la dette publique américaine s’approche de son plafond, sans accord du Congrès non plus ! Et sans compter que Donald Trump veut lancer des grands travaux !

Voilà à qui la faute : Donald Trump est coupable d’excès de bonnes (et moins bonnes) nouvelles, sur une économie en bonne santé ! Pousser la croissance à la surchauffe, avec une bourse déjà au plus haut, creuser un déficit budgétaire déjà excessif, c’est trop de vitamines. Et où mènera cette thérapie de choc, dans un climat politique, interne et externe, aussi tendu ? C’est trop d’hypertensions !

D’où la baisse de pression financière en cours. Et après ? Aux Etats-Unis, les pertes financières suscitent des regrets chez ceux qui les ont subies, et des attentes de réinvestissement chez ceux qui les ont évitées, ayant (heureusement) vendu plus tôt. Les premiers vont attendre pour se refaire, les autres attendre « le point bas », pour bénéficier au plein de la remontée. Tout ceci devrait être bref, compte tenu de la qualité des entreprises américaines et du statut du dollar, même écorné. Mais le patient, qui allait lentement mieux avec Yellen, est sonné avec Trump.

Problème : le choc sera plus pernicieux en zone euro. Elle est en expansion, dit le bon Docteur Draghi, mais c’est récent et fragile. Touchée au moral par la correction en cours, avec un euro qui monte, elle peut sinon rechuter, du moins stagner. Ça vous chatouille, de nous gratouiller, M. Trump ?