Ces promesses de pouvoir d’achat que tous les candidats à la présidentielle vont vous faire… bien à la légère

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La question du pouvoir d'achat et la hausse des salaires seront au cœur des promesses de campagne des candidats lors de l'élection présidentielle de 2022. La situation économique de la France et l'impact de la crise sanitaire risquent néanmoins de freiner ces possibilités de hausse du pouvoir d'achat.

Ces promesses de pouvoir d’achat que tous les candidats à la présidentielle vont vous faire… bien à la légère

 

« Macron, des sous ! »

On n’a pas entendu ce slogan, dans les dernières manifestations ! Pas plus que : « 1500 euros pour le SMIC ! » ou encore : « Patrons, augmentez les salaires ! » Quel silence salarial ! Nous ne sommes pas habitués. Il est vrai que ces derniers samedis ont été très occupés par les anti-vax et les anti-pass, après des dizaines de semaines de « gilets jaunes », où Macron était le seul problème, donc son départ la seule solution. Mais ceci ne peut durer, puisque la Présidentielle est dans neuf mois, le 24 avril 2022 pour le deuxième tour, donc les sélections internes des candidats majeurs des partis dans trois ou quatre, donc les dernières négociations pour tenter de réduire le nombre d’opposants à Macron, ce qui autrement le ferait gagner, dans cinq. Il faut donc « programmatiser » à vive allure, compter ce qu’on promet et parler de « pouvoir d’achat », pour espérer gagner.

Avec la Présidentielle qui vient, on va donc entendre parler « sous ». Vaccins et gilets jaunes vont se ranger derrière des programmes plus ou moins chiffrés, et ces programmes derrière des slogans. Lequel va « marcher » en 2022 après le « en marche » de 2018, après le : « je n’ai qu’une ennemie, la finance sans visage » de François Hollande et après le merveilleux « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy ? C’est la question. Faudra-t-il ressortir « la fracture sociale » chiraquienne, qui a bien moins vieilli que « la force tranquille » mitterrandienne ?

Difficile en effet de ne pas parler salaire quand la reprise est dite forte. Mais elle est factice et fragile. La preuve : FO et CFDT sont prudents, avec raison. Certes, les patrons se plaignent de pénuries de main-d’œuvre, mais surtout dans la construction. Certes, les ménages ont une épargne record, mais surtout en compte courant, faute d’avoir consommé au cours des fermetures liées à la pandémie, et ils demeurent inquiets. Certes, la bourse est au plus haut, mais tout dépendra des décisions de la Banque centrale américaine sur ses achats de bons du trésor. Ce « bon moment salarial » est donc surtout un… moment.

Mais difficile de parler salaire, si cette reprise qui permet de s’approcher du PIB d’avant COVID-19 n’est pas la même. Nous sommes en crise d’exportation. Plus de salaires, ce sera moins de compétitivité et plus d’importation, donc moins de croissance et d’emploi. Le PIB du deuxième trimestre 2021 atteint 564 milliards d’euros constants, pas loin des 583 de fin 2019, avant la pandémie. Manquent encore 19 milliards. Mais les exportations sont de 169 milliards, contre186 : manquent 17, quand les importations se redressent, en liaison avec les investissements des entreprises et surtout la consommation de biens des ménages. Veut-on alors soutenir les autres pays, Allemagne bien sûr, mais aussi Espagne, qui se battent pour remonter leurs pentes ?

Difficile de parler salaire donc, car nous sommes perdus si nous ne montons pas en gamme, avec la formation qui va avec, dans la révolution technologique en cours, en pleine confrontation entre États-Unis et Chine. La crise sanitaire que nous vivons ne doit pas cacher la révolution mondiale de l’information, la troisième, après la vapeur et l’électricité. Au contraire, elle a mis en lumière nos retards technologiques et nos défauts d’organisation, avec une administration pléthorique et souvent inefficace.

Difficile de parler salaire, car les soutiens budgétaires, donc monétaires, qui soutiennent la reprise ne vont pas durer. La France accuse cette année un déficit budgétaire de 200 milliards d’euros, même si elle se reprend. Que serait-ce autrement ? Et elle s’endette à taux négatif, grâce aux achats de bons du trésor que poursuit la Banque centrale européenne (Quantitative Easing). Que serait-ce sans, sachant qu’ils vont diminuer dans un an ou deux, avant que la BCE ne commence à vendre les bons du trésor qu’elle détient en portefeuille ? Les coûts des structures publiques sont croissants, sans efforts de digitalisation pour les réduire. Faut-il plus de fonctionnaires plus payés ou bien moderniser des  fonctions en les privatisant, avec des salariés mieux payés, dans la révolution en cours ?

Difficile de parler salaire, au moment où l’écologie va susciter un « antichoc pétrolier », profondément récessif à court terme. On se souvient des chocs pétroliers des années 1970 (1973 puis 1979), où la hausse subite du prix du pétrole avait révélé l’existence de cette ressource pas chère, qui nous allait si bien. Nous découvrons aujourd’hui l’envers du décor, le vrai prix d’une taxe carbone, qui était faible sinon négatif, quand on subventionnait les mines de charbon ! Il faut donc parler formation et renforcement des entreprises, face aux restructurations et déclassements en cours, pas du salaire d’aujourd’hui mais de celui de demain et d’après-demain !

N’empêche : tous les politiques vont suivre, sur les sous. Anne Hidalgo veut « une société des égaux », pour réduire les inégalités qu’on retrouve(rait) derrière les  « gilets jaunes ». Gilets qui, pour Marine Le Pen, montrent « que la société se repolitise par le bas… pour la reconquête d’une vie digne ». Eric Piolle voudrait une hausse de salaire de 10% (à préciser sans doute). Et Macron parlera formation et revalorisation des bas salaires, ce qui sera critiqué par tous. Pendant ce temps, la révolution avance, pas « la sociale », la vraie : celle de l’information !


Atlantico

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