Réformer en France n’est pas facile...
Réformer est bon pour tous à moyen et long terme, mais négatif à court terme pour ceux qui voient diminuer leurs avantages bien concrets, et ceux de leurs successeurs. Les avantages des réformes sont toujours diffus, les coûts sont immédiats pour ceux qui doivent changer – et ils le savent ! Mais pourquoi donc réformer ? Toujours pour soutenir la croissance et l’emploi : qu’il s’agisse de salaires, avantages et protections multiples, retraites, horaires, congés… des avantages acquis se créent toujours avec le temps, des statuts se forment, coûteux. Ils ne peuvent durer qu’avec la puissance de l’entreprise privée (sur ses clients, concurrents, fournisseurs) et, bien plus longtemps, celle de l’entreprise publique (avec son monopole, puis son déficit et sa dette, avec garantie de l’État bien sûr).
Aujourd’hui, les réformes s’alimentent à deux mouvements planétaires : la révolution industrielle de la communication, avec Apple et Amazon, et la globalisation, avec la Chine et l’Inde. Dans leur très vaste majorité, les Français savent qu’ils doivent s’adapter au monde qui bouge. Ils savent qu’ils n’ont pas le choix mais aussi qu’ils s’y retrouveront, en changeant, en se formant. Les Français savent, nous savons, qu’on ne travaillera pas demain comme aujourd’hui, ni communiquera, se formera, se soignera… Un « aujourd’hui » dont une large part des structures date d’après-guerre : donc il faut accepter de réformer.
Or, réformer en France n’est pas facile. On le mesure avec notre faible croissance potentielle (1,6%), notre taux de chômage élevé, nos déficits extérieur et public permanents, nôtre taux d’endettement public à 97% du PIB… On pourrait continuer la liste de nos freins et la mesure de leurs effets.
Or réformer en France devient possible avec Emmanuel Macron, qui en a fait son programme et a été élu pour cela. Les premières mesures et lois se sont bien passées, parce qu’elles n’ont pas encore trop « mordu ». La montée de la CSG sur les retraités a quand même fait baisser la cote du Président, mais les retraités ne manifestent pas. Le code du travail a été revu, mais nous verrons quand l’économie ralentira beaucoup. Le baccalauréat… mais nous verrons ce que disent les enseignants qui devront travailler plus longtemps et préparer à des oraux, en liaison avec les Fac… Tout s’est assez bien passé, car le plus dur n’est pas encore là.
L’effet SNCF montre à quel point les Français étaient favorables à la réforme il y a quelques semaines (les raisons abondent), mais ils sont de 42% à 46% à s’y opposer, en quinze jours. Troubles, tensions, arrêts… sur plusieurs semaines se conjuguent pour inquiéter et faire douter de la volonté du gouvernement, maintenant que des oppositions s’organisent. On comprend leur logique : obtenir une masse critique sur la SNCF, qui agrégera les oppositions (éboueurs, pas encore transporteurs, carburants ou postiers – les PT venant opportunément d’annoncer 5 000 embauches…), plus les Facultés. L’idée est d’obtenir une reculade gouvernementale, ce qui permettra de détricoter les réformes déjà votées, et que l’on croit acceptées.
C’est bien pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas à faire « une pause dans les réformes », comme en 2011 avec Nicolas Sarkozy, ou à suivre tant de demandes actuelles, au risque de mettre la dynamique d’ensemble en risque. Ils ont à expliquer, et c’est à Emmanuel Macron d’expliquer, pratiquement et simplement, pourquoi réformer. Il faut expliquer le panorama de la croissance, celle de la communication, de l’échange, de l’efficacité et de la formation, dans ce monde qui change. Il sera plus compliqué peut-être, mais il récompense plus vite. On peut toujours faire peur : faillite de la France et spoliation des épargnants et des retraités, fin de l’Euro et le d’Europe, guerres, mais mieux vaut mettre en avant les avantages ! La révolution de l’information et de la communication nous ouvre ses portes, avec des idées nouvelles qui peuvent vite germer et devenir mondiales ou changer notre quotidien, avec de nouveaux services, adaptés, de nouveaux emplois, et de nouvelles carrières pour de nouveaux projets. La FrenchTech peut s’étendre : elle ne veut que cela !
Les efforts des conservateurs (de tout bord) pour garder leurs privilèges au détriment des jeunes d’abord, de tous ensuite, en nous mettant sous le risque croissant de leur dette, plus ceux qui trouvent « qu’on n’en fait pas assez » montre bien qu’il faut continuer à réformer, expliquer, avancer. La réforme n’est jamais sans peine, mais elle en vaut toujours la peine.
Atlantico