Age pivot, travail des séniors…et si l'essentiel pour l’équilibre des retraitées était ailleurs ?

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Age physique, âge de raison, âge financier, âge cérébral : voici les grands absents des débats en cours sur la réforme des retraites.

Age pivot, travail des séniors…et si l'essentiel pour l’équilibre des retraitées était ailleurs ?

Age physique, âge de raison, âge financier, âge cérébral : les grands absents des débats en cours. Il est en effet permis de se perdre, entre « avantages acquis » et caisses de telle ou telle profession (entre autre), mais quand même difficile de passer à côté de ces réalités humaines : âges physique, de raison, financier et cérébral. Age physique d’abord : avec moins de naissances et une durée de vie plus longue, les Français vieillissent dans une Europe moins nombreuse, où le déficit de naissance n’est plus compensé par l’immigration. Age de raison : c’est celui du calcul. Age financier : c’est celui de la mise en œuvre du calcul. Age cérébral, celui dont on ne parle pas, avec la révolution en cours des technologies. Et pourtant : elle frappe d’obsolescence les salariés, s’ils travaillent, même dès le début, sans formation supplémentaire ! Vieillir plus et savoir moins : c’est la double crainte qu’on voit partout. Pourquoi ne pas le dire et parler de « pénibilité », alors que ce n’est pas le seul sujet ?

« La cessation précoce d’activité des seniors, c’est notre impossible pari, c’est notre mensonge à la jeunesse, c’est le point caché de notre consensus social ». En 2005, avec Antoine d’Autume et Jean-Olivier Hairault, nous commencions ainsi pour le Conseil d’Analyse économique (auprès du Premier ministre) un rapport sur « Les seniors et l’emploi en France », époque où « la cessation précoce d’activité » était tenue pour une bonne solution pour faire baisser le chômage ! Depuis, nombre d’autres rapports sont sortis (CAE, France stratégie, DARES, COR, CESE, OCDE…) et, dernier en date, le rapport Sophie Bellon, Olivier Mériaux et Jean-Manuel Soussan remis à Muriel Pénicaud le 14 janvier dernier. Chacun a ses préoccupations, mais tous veulent faire travailler plus longtemps, sous des modalités diverses (et des présentations plus ou moins directes).

Age physique : s’il s’agit de prolonger « la fin de carrière », autrement dit de repousser l’âge de la retraite, le rapport Bellon-Mériaux-Soussan est là, avec des propositions précises adaptées aux métiers, carrières, pénibilités et tensions nerveuses.

Age de raison : dans d’autres rapports, on entre dans une logique combinant équilibre des comptes et espérance de vie à 62, 63, 64 ans. Or, comme cette dernière dépasse 20 ans dans notre économie à faible croissance et faible création d’emplois, si l’on veut équilibrer les comptes, il faut repousser l’âge de la retraite, selon diverses modalités bien sûr. S’il ne s’agit pas de travailler plus longtemps, alors il s’agit de cotiser plus, donc d’appauvrir les jeunes ou de ponctionner encore les entreprises, au détriment de la croissance et de l’emploi, ou alors de faire diminuer les retraites, en puisant éventuellement dans les réserves des caisses, pour amortir le processus. Mais pourquoi ne pas être plus clair : il y aura de plus en plus de vieux que de jeunes dans une économie qui avance moins vite ? On a l’âge de raison, quand même !

Age financier : regardons alors ce qui se passe en Allemagne et va nous arriver, certes plus tard et moins. Les Allemands savent que leur vieillissement est plus élevé que le nôtre et acceptent de travailler plus longtemps. Leur âge moyen de retraite est de 64 ans, contre 61 ici (source OCDE). Mais, ce qui est le plus étonnant, c’est que leur espérance de vie à 65 ans est moindre ! Elle est de 23 ans en France pour les femmes, de 19 pour les hommes, contre 21 et 18 en Allemagne. En combinant ces deux éléments, le Français moyen de 65 ans vivra 23 ans de retraite, l’Allemand 19. Et le premier s’endette plus et le second épargne plus ! Qui aura raison dans dix ans ? Il y a (normalement) des liens entre âge de raison et âge financier.

Age cérébral enfin, et surtout : faire travailler plus les séniors, s’ils le peuvent physiquement bien sûr, n’est possible que s’ils sont à même de le faire de manière expérimentée. Or tout le monde sait que nous vivons une révolution industrielle, que des métiers vont disparaître et tous changer, qu’il faut se former tout le temps. Dire à quelqu’un qu’il partira plus tôt, c’est alors changer son horloge neuronale interne, donc lui dire qu’il faut qu’il cesse de se mettre à jour. Travailler plus longtemps, de manière adaptée et avec toujours plus de formation, c’est vivre plus, mieux, plus longtemps.


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