Vers la guerre ?

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 Vers la guerre ?

Le Lincoln passe le canal de Suez le 8 mai pour le Golfe Persique
Crédits : Suez Canal Authority HANDOUT – Maxppp

Trop ? La croissance mondiale est-elle en danger, si l’Iran bloque le détroit d’Ormuz ?

Quatre pétroliers, dont deux saoudiens, sont la cible d’« opérations de sabotage » dans le port émirati de Fujaïrah, à quelques encablures du détroit d’Ormuz, le week-end dernier. Sans plus de précisions pour l’heure. Le risque est considérable : entre péninsule arabique et Iran, passe le tiers du commerce mondial de pétrole.
Et l’agence iranienne Press TV indique aussi, information non confirmée côté saoudien, qu’il y aurait eu la semaine dernière des explosions dans le port pétrolier de Yanbu, en Arabie Saoudite. Et un drone vient d’attaquer le plus important oléoduc du pays. Qui donc s’en prend aux intérêts pétroliers saoudiens ?

De fait, le Président Trump ne cesse de faire monter la pression sur l’Iran, au risque d’une rupture violente.

Serrage économique d’abord, en ayant « demandé » aux entreprises étrangères installées dans le pays de le quitter, si elles ne voulaient pas de sanctions. Serrage pétrolier ensuite : ce pays vendait encore 1,6 millions de barils par jour à la fin de l’an dernier à Chine, Inde, Japon et Corée, puis 1,1 au premier trimestre, avant l’arrêt actuellement demandé. Serrage monétaire et psychologique : il faut 155 000 Rials pour un Dollar au marché noir, soit un écart de 260% avec le cours « légal ». Pas de surprise si l’inflation dépasse 50% et si la récession est là.
Pas de surprise non plus si les réactions sont violentes : Donald Trump ne demande pas la réduction d’un déséquilibre commercial, comme avec la Chine, mais semble souhaiter une crise sociale, qui deviendrait politique, contre le régime actuel.

Et la Chine riposte dans la « bataille des tarifs douaniers ». Et Trump en rajoute.

La Chine, après avoir enduré 25% de hausse de droits de douane américains, payés certes par le client américain mais destinés à faire baisser ses exportations, donc à freiner sa croissance, taxe plus de 5 000 produits américains. Evidemment, elle ne peut avoir la politique massive américaine, puisqu’elle exporte pour 500 milliards de dollars aux États-Unis, qui en exportent pour 130. Mais ces 5 000 flèches peuvent faire mal, plus politiquement (chez les électeurs de Donald Trump) que macro-économiquement. De fait, quelques minutes après le début des échanges, l’indice Dow Jones perd 1,8%, comme le Standard & Poor’s 500, et le Nasdaq 2,5%. Et comme le yuan perdait un peu avant 0,8% contre dollar, Donald Trump peut se dire qu’il prend des risques croissants contre son propre camp. Pourtant il riposte, en surtaxant toutes les importations chinoises. Alors la Chine vend pour 10 milliards de bons du trésor américain ! Côté américain, il s’agit toujours de retrouver la « réciprocité » des échanges, côté chinois, de « ne plus avaler de couleuvres ».

Chine + Iran + Venezuela, Russie, Mexique, Canada, Europe = les bourses prennent peur. Pourquoi ? Parce qu’elles commencent à relier ces chocs, non plus à les ajouter.

Au début, elles étudiaient chaque tension sans la relier aux autres. Pour chacune, elles comparaient son effet à la croissance américaine, se disant qu’elle pourrait résister. Les États-Unis progressent de 3,2% en rythme annuel au premier trimestre se disent, ou se disaient-elles. Avec les tensions sur la Chine, qui affectent surtout l’agriculture, nous serions un peu au-dessous de 3% : pas de quoi s’alarmer. Et la Chine aurait plus à perdre que les États-Unis : sa croissance est plus sensible que l’américaine aux exportations, sa bourse plus versatile, son exposition à des crédits menacés bien plus élevée.

Mais les marchés financiers commencent à comprendre qu’ils se trompent à comparer la tension « commerciale » avec la Chine aux sanctions, politiques, contre l’Iran, puis à ajouter les unes aux autres, comme si le processus était additif, toujours dans un sens, sans rupture.

Or les sanctions ont toujours des effets hétérogènes au sein d’un pays, a fortiori entre pays. Or les réactions viennent de commencer, en même temps et peut-être ensemble en Chine et Iran, contre les États-Unis – qui réagissent. Or les Etats-Unis jouent non seulement seuls, mais seuls contre tous, alliés compris. Leur risque va monter. La guerre est la politique par d’autres moyens, disait Clausewitz, à supposer qu’il s’agisse de politique avec Trump.

Vers la guerre ? Oui, si « on » ne trouve pas la marche arrière.