Tuer les billets de banque en trois coups

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Mais pourquoi donc, ils sont si utiles ! Sans date limite de validité, ils me permettent de faire les achats que je veux, où et quand je veux. Ils sont une part de ma liberté. Et anonymes ! Mais cet avantage, c’est leur « inconvénient » et le début de leurs problèmes. Avant, l’inflation s’occupait en effet de les croquer : à 10% l’an, en garder était héroïque ! Mais à 1,4% en zone euro, c’est rationnel ! Donc, il faut changer la traque. Le fisc est toujours d’accord, la police et la douane aussi, les docteurs qui soignent les drogués, pareil. Et vient maintenant la Banque centrale ! Quoi !

 Tuer les billets de banque en trois coups

Premier coup : encerclement. Les autorités policières et fiscales imposent des limites aux billets : au plus 1 000€ d’achats chez un commerçant, 10 000 pour un bien immobilier. Au-delà, il faut chèque ou virement. Fini l’anonymat, sauf si « l’autre » les accepte, à ses risques et périls !

Deuxième coup : chasse aux « gros billets » de 100, 200, en commençant par le 500€. Leur poids est considérable. En zone euro, sur 1 300 milliards d’euros en billets, près de la moitié sont de « grosses coupures » : pour 260 milliards en 500€, 300 en 100€ et 55 en 200€. En fait, elles ne circulent pratiquement pas. Le commerçant vous regarde si vous lui en montrez, voire les refuse, sauf dans l’immobilier, les hôtels de luxe, les casinos, bijoux et objets d’art (dit-on). Ces coupures sont bien différentes de celles qui bougent : « les petites ». Ce sont les 550 milliards en billets de 50 €, plus gardés quand même que les 85 milliards en 20€ qui frétillent, les 30 milliards en 10€ qui s’agitent et les 10 en 5€, les plus rapides (et plus vite usés).

La chasse au 500€ est donc lancée. Le billet n’est plus imprimé depuis fin 2018, et se terre. Des réactions hostiles ont été entendues en Allemagne, où il plaisait beaucoup, mais ses autres amateurs n’ont rien dit. La mort du 500€ est une question de temps : attendons qu’il sorte de sa cache, pour un achat ou suite à un héritage. Alors il reviendra dans le commerce, puis en banque. La banque le passera à la Banque centrale, qui donnera 5 billets de 100 € en échange : mort ! Mais pas tout de suite et pas ici. Pas tout de suite, car sur les 150 milliards de billets « distribués net » par la Banque de France (« distribués » par différence entre les billets distribués par la Banque de France et ceux qui lui reviennent), seulement 10%, 15 milliards, servent à faire des achats ! 10 milliards sont dans les banques et chez les transporteurs de fonds, 4 chez les ménages, 1 dans le commerce. 90% des milliards de billets en France sont thésaurisés ! 80-90 milliards le sont ici, nous dit la Banque de France, 45-55 à l’étranger, le tiers ! Pas tous ici donc, ces billets ! Et on trouve ce même « tiers de billets à l’étranger » pour la zone euro, nous dit la BCE. Quoi : sur 1 300 milliards de billets en euros, la BCE peut-elle être satisfaite d’en voir 130 utilisés pour des transactions, 770 dormir chez les ménages et 400 s’empiler à l’étranger, plus ou moins déclarés ? Non. Donc…

Troisième coup : instaurer un taux négatif sur les billets ! Quoi ! Pourquoi ? Officiellement parce que, quand viendra la prochaine récession (des États-Unis ?), la Banque centrale américaine baissera ses taux, mais pas l’européenne, puisque les siens sont déjà à zéro. On peut avoir des taux négatifs sur les dépôts, pour pousser à consommer et à investir, mais pas sur les billets. Ils ne rapportent rien, mais pas « moins quelque chose » ! Donc il faut que l’on ait des taux négatifs sur les billets pour sortir d’une éventuelle récession, ce qui complètera la panoplie de la banque centrale européenne, elle qui peine tant à faire repartir l’économie. Belle raison !

Mais comment faire ? Le FMI propose (en février) de distinguer deux monnaies : la principale, celle des dépôts, et celle des billets, qui en dépendra. Quand vient une récession, le successeur de Mario Draghi fait passer les taux à -3% le 1er janvier (par exemple), pour faire consommer et investir. 100 euros en monnaie dépôts en vaudront 97 à Noël… et le billet de 100 euros aussi, quand nous ferons nos courses. L’électronique donnera le taux de change du billet en continu ! On nous expliquera que nous devons vivre ainsi dans cette économie qui a si peu de croissance et d’inflation : les taux deviennent négatifs, pour la faire repartir ! Les billets aideront ! Mais alors, le dollar papier sera-t-il le seul survivant, avec l’or, pour cacher l’argent ?