Surtout, ne me parlez pas de ma retraite !

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Quoi ! « On » ose nous dire que le niveau de vie moyen des retraités dépasse de 5,6% celui de l’ensemble de la population : voici les « riches retraités d’aujourd’hui » ! Quoi ! « On » ose nous annoncer qu’en 2070, les retraités d’alors auront un revenu compris entre 76,7 et 89,1% du revenu de la population d’alors : voilà « les pauvres retraités de demain » ! Nous allons passer de retraités 5,6% plus riches que la moyenne à 17,1% plus pauvres !

 Surtout, ne me parlez pas de ma retraite !

Qui est ce « on » qui fait de tels calculs ? Le COR ! Le quoi ? Le COR, Conseil d’Orientation des Retraites, un organisme décisif, dont on ne parle donc pas. Normal : il tient des propos graves sur notre avenir et surtout « techniques », pas « politiques ». L’inverse de ce qu’on aime.

Ce COR a tous les attributs du sérieux : créé en 2000, c’est une « instance indépendante et pluraliste d’expertise et de concertation, chargée d’analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français ». Aïe ! « Il comprend quarante membres : son président, huit parlementaires, sept représentants de l’État, seize représentants des organisations syndicales et professionnelles, deux représentants des associations familiales et de retraités et six personnalités qualifiées ». Aïe !

Pire, chaque année il publie un gros rapport, plein de graphiques et de calculs. Présenté aux partenaires sociaux et aux politiques, ils demandent toujours d’autres scénarios, roses ou gris foncé, pour n’inquiéter personne et donner le sentiment que rien n’est écrit. Puis vient la presse, avec quelques articles. Puis silence, jusqu’à l’an prochain !

Nous pensons que nous avons « droit à la retraite », ce qui est vrai, « parce que nous avons cotisé », ce qui est faux. Notre système de retraite « par répartition » fait que ceux qui travaillent aujourd’hui cotisent aux caisses de retraite qui « répartissent » les sommes collectées aujourd’hui aux retraités d’aujourd’hui. C’est bien pourquoi il est en déficit ! Et demain ? Il faudra savoir combien de travailleurs cotiseront, et de combien ils alimenteront ce qui sera réparti entre les retraités de demain ! Notre système dépend de ce qui se passera demain et après-demain, du nombre de salariés et de leur productivité par rapport au nombre de retraités et à leur espérance de vie. Que d’inconnues !

Commençons par une bonne nouvelle : l’espérance de vie à 60 ans augmente, indication du nombre d’années où nous toucherons cette retraite. Pour les femmes, elle passerait de 27,5 ans en 2016 à 33,6 en 2070 et de 23,1 à 31 ans pour les hommes. Entre 6 et 8 ans de vie de plus, c’est bien !

Oui, si le niveau de vie suit. Et c’est là que le bât blesse. Pour que ce niveau de vie suive, il faut plus de cotisants, et surtout plus productifs, pour payer plus de retraités, qui vivront plus longtemps. Or la démographie flanche, avec la baisse de la fécondité. Elle est prévue à 1,95 enfant par femme sur la période de projection, avec une hypothèse haute à 2,1 (rose) et une hypothèse basse à 1,8 (gris foncé). Et les derniers chiffres vont vers l’hypothèse basse : 1,88 en 2017. En 2070, il y aurait en moyenne 1,28 personne entre 20 et 64 ans, pour une de 65 ans et plus. Dans le scénario optimiste, ce serait 1,5, mais 1,07 dans le pessimiste. Et, en 1990, ce chiffre était proche de 3, et il dépasse 2 actuellement ! Avec la crise française de la démographie, nous sommes mal embarqués. Mais gardons le moral !

Oui, nous allons vieillir plus longtemps, avec moins de jeunes autour, mais, au moins, aussi bien que possible ! Pas sûr : tout dépendra de la progression annuelle de la productivité, base de la croissance. Elle pourrait varier de 1% à 1,8% selon le COR. 1,8%, c’était sa moyenne entre 1980 et 2017, assez rose, mais 1% sa moyenne entre 2010 et 2017, plus grise. En 2070, l’écart entre ces deux hypothèses donnera… 40% du PIB !

Même si les jeux restent (politiquement) ouverts, ils jouent sur quatre cartes : plus d’enfants, cotiser plus, partir plus tard (63,9 ans en 2070 ?), percevoir moins. Le rapport n’envisage pas l’apport de l’immigration, fixé à 70 000 personnes par an jusqu’à 2017. Touchy. Surtout, il ne nous dit pas l’essentiel : comment être plus productifs ? Travailler mieux, se former, maîtriser les outils de communication ? Au lieu de craindre des robots qui nous mettraient au chômage, mieux vaudrait qu’ils nous aident à augmenter notre PIB de moitié dans cinquante ans ! Plus de robots, pour plus de retraite !