Quand David Cameron joue au Brexit

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Brexit : c’est quoi ? C’est le jeu lancé par David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni. Par Référendum, le Royaume quitterait l’Union européenne s’il jugeait ses avantages stratégiques insuffisamment pris en compte. La date limite de l’épreuve est 2017… année des élections en France et en Allemagne, juste après celle des Etats-Unis. Ce jeu, proposé en son temps pour calmer les conservateurs euroskeptics, peut donc se retourner contre son auteur. L’arroseur arrosé, en plus dangereux.

 Quand David Cameron joue au Brexit

Illustration : Guillaume Paumier, CC-BY.

 

Brexit : pourquoi donc, demande la Commission européenne ? Dites-nous précisément ce que vous voulez, David Cameron. Vous souhaitez une Europe plus efficace et compétitive et des Parlements nationaux qui aient plus d’influence ? Nous aussi, donc c’est OK ! Mais s’il s’agit de dire que le renforcement de l’Union ne concernera pas le Royaume-Uni, alors ce ne sera pas simple. Le Traité stipule que l’Union veut être toujours plus étroite (ever closer union). En outre, aucun accord ne peut engager les Conférences intergouvernementales des futurs traités. S’il s’agit de faire que le Royaume-Uni ne soit pas mis en minorité dans l’Union européenne en cas de vote, alors ce n’est pas simple non plus – compte-tenu de son poids relatif. S’il s’agit de le traiter de manière fair, même si ses demandes sont refusées après vote, pas simple… puisqu’il y a eu vote. S’il s’agit de réduire les allocations sociales des migrants européens, ce sera pire : c’est contre l’esprit et la lettre du Traité.

Brexit : pourquoi donc, David Cameron, vous lancez-vous dans cette épreuve ? D’abord pour protéger à long terme les intérêts de la City en « solidifiant » la situation spéciale du RU ? Sans doute. Alors, pour que le Brexit soit refusé par le peuple britannique, il faudrait que M. Cameron juge avoir obtenu assez de concessions des autres ? Pas simple. Ensuite pour bloquer l’Ecosse en l’empêchant de partir, en supposant donc que le RU reste dans l’Union ? Sans doute aussi. Alors, là aussi, il faudrait que M. Cameron juge avoir obtenu assez de concessions des autres – pas simple.

Brexit : quelle est la bonne tactique européenne pour empêcher ce Brexit qui serait une grande perte pour l’Europe ? D’abord demander à David Cameron de préciser ses souhaits : début novembre. Ensuite vérifier les intérêts de la City et de l’économie britannique dans cette opération. Or la City a tout intérêt à rester dans l’Union, puisqu’elle a ainsi une entrée dans la première économie du monde par le PIB pour « ses » banques d’affaires – surtout américaines. La City veut-elle le Brexit ? Non, ses banques y perdraient. L’économie britannique veut-elle sortir de l’Union ? Pas sûr, car les échanges ont surtout lieu avec elle. La quitter conduirait à des vérifications et des surcoûts. Donc, ni la City ni l’économie ne le désirent ! Etrange démarche de David Cameron pour régler un problème avec ses députés ! Sauf s’il veut reverser la charge de la preuve et pousser les autres (nous) à des concessions ! Habile. Sauf qu’on ne peut non plus exclure que l’Europe discute avec l’Ecosse si le RU quitte l’Union, une Ecosse qui redemandera un Référendum d’indépendance !

Brexit : quelle stratégie européenne pour empêcher le Brexit ? Renforcer l’Union d’abord, parier sur la Chine ensuite. Dans ce monde, en effet, une monnaie veut s’étendre : le Yuan. Londres, Frankfort et Paris ont fait les premiers pas pour la recevoir. Et le Président chinois est reçu en grande pompe à Londres ! Mais si le Royaume-Uni quitte l’Union, le système de paiements pour échanger euro et Yuan devra être installé sur le continent – grande pompe ou pas. Renforcer le marché européen des capitaux et ses places financières est donc la meilleure réponse stratégique pour la zone euro – Brexit ou pas.

Brexit : pourquoi, au fond ? David Cameron cherche de bonnes raisons pour rester. Il suppose que les autres donnent un haut prix au fait que la City demeure dans l’Union, l’autre vraie question étant celle des capacités militaires du RU – très utiles et dont personne ne parle (mais auxquelles tous pensent). Pour s’en sortir sans que personne ne perde la face, il faut que les bonnes raisons qui lui seront données ne réduisent pas les capacités de développement de l’Union, notamment de l’euro. Il ne s’agit pas d’ « acheter le non-Brexit », mais de faire que le coût du Brexit soit très élevé pour le seul Royaume-Uni. Refuser le Brexit devient alors un jeu où chacun gagne car autrement, chacun aurait beaucoup à perdre, David d’abord.

 

Voir sur ce sujet Le Royaume-Uni et la zone euro, le Zoom du 22 octobre.

 

Egalement publié dans Atlantico.