Plus de salaires ou plus d’emplois en France ?

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L’emploi s’améliore, pas les salaires. 82 300 emplois sont créés au quatrième trimestre 2017, 268 800 sur l’année, le taux de chômage baisse à 8,9% et les salaires augmentent de 2%, avec une inflation à 1,2% : 0,8% de pouvoir d’achat. Tout ça pour ça !

 Plus de salaires ou plus d’emplois en France ?

Quelque chose s’est-il cassé, avec la crise, la concurrence mondiale, les robots? Le « Président des riches » est-il à l’œuvre ? La « cagnotte » qui naît… du moindre déficit budgétaire sera-t-elle enfin redistribuée ? Ces questions agitent les salariés, les syndicats, et perturbent les ménages. Ils sont plus pessimistes en février 2018 sur leur futur financier et leur capacité d’épargne, plus pessimistes aussi sur le niveau de vie en France. Ils ne voient pas de réduction du chômage et prévoient même une nette hausse de l’inflation. Inquiétude, impatience, préscience ?

Mais ces distorsions et interrogations ne sont pas seulement françaises. Aux États-Unis, même si le moral des ménages est au plus haut et le taux de chômage à 4,1%, le salaire réel a gagné 0,4% par heure sur un an, et 0,6% avec l’augmentation du temps de travail. En Allemagne, où le taux de chômage est de 3,6%, le salaire réel augmente de 0,7% sur l’année. La baisse du chômage fait peu augmenter les salaires, même en plein emploi !

On peut toujours se dire que ceci ne va pas durer aux États-Unis, avec la réduction de la main d’œuvre immigrée et les hausses de droits de douane, ou en Allemagne, avec la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, en dépit des migrations et importations venant des pays de l’Est. Des poches de main d’œuvre demeurent peut-être aux Etats-Unis et sans doute en Allemagne. Mais il y en a évidemment plus en France, chez les jeunes, les femmes et les séniors. Comment les réduire ? Par la hausse des salaires pour attirer vers l’emploi, mais quels salaires ? Par la modération salariale, pour faire repartir la croissance par l’emploi, même peu qualifié, mais combien de temps faudra-t-il attendre ?

« Dans l’économie d’avant », la reprise faisait investir et baisser le chômage dans son ensemble, profitant ensuite à tous les salaires. Elle attirait plus de main-d’œuvre et augmentait le temps de travail. « Dans l’économie d’aujourd’hui », la reprise divise. Aux États-Unis, elle fait chercher des techniciens de données à côté de personnes peu ou pas qualifiées. Les uns prévoient et préparent, avec algorithmes et robots, le travail des autres. A eux de suivre les requêtes, de porter les objets, d’aider les personnes âgées, de servir dans les fast food. Les experts voient leurs salaires monter, les non-experts s’inquiètent, même en plein emploi, menacés par l’ubérisation. Ils changent plus d’employeur, mais le gain est modeste. Et les catégories intermédiaires, en crainte de déqualification, ne revendiquent pas. Quant à l’investissement, il augmente modérément : les entreprises vont mieux, se désendettent, rachètent leurs titres et gardent des liquidités.

« Dans l’économie d’aujourd’hui », les délais s’allongent entre activité, emploi, salaires et inflation. Alors, comment accélérer la machine ? Par quel bout s’y prendre ?

On aura compris : par l’emploi et la modération salariale, avec formation pour tous. En France, dans l’industrie manufacturière d’aujourd’hui, les salaires horaires réels augmentent peu et régulièrement. Ils coïncident désormais avec la productivité, aidant l’export, crucial pour le futur. Il faut continuer ainsi. Mais dans le secteur marchand au sens large, donc dans les services, l’écart se creuse entre salaire réel, en hausse, et productivité, qui ralentit. S’il se creuse encore, il fera monter l’inflation et pèsera sur l’emploi de tous.

Le risque, c’est qu’on ne voie pas que, dans l’industrie française, la modération salariale et surtout les fermetures d’entreprises ont à peine remis les pendules à l’heure de la compétitivité, base pour repartir par l’exportation. Il faudra du temps pour muscler les entreprises. Il n’y faudra pas de hausses générales de salaires mais individuelles, avec primes et packages adaptés à chacun : formation surtout, horaires aménagés, retraites… En revanche, une augmentation générale des salaires dans les services y fragilisera les entreprises (le taux de marge est de 10% dans le nettoyage, qui emploie 300 000 personnes à temps plein) et fera pression, par ricochet, sur le secteur industriel et exportateur.

« L’économie aujourd’hui » doit mettre l’emploi de tous en avant. Avec la formation, le salaire suivra.