Macron rencontre Pascal

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 Macron rencontre Pascal

(La scène se passe à Port Royal des Champs, près de Paris, devant les ruines de l’abbaye).

Emmanuel Macron : Oh, Blaise Pascal, quelle joie de vous voir déambuler ici !

Blaise Pascal : Président, quelle joie de vous voir méditer ici, sur les faux semblants de ce monde !

EM : Donc, pas de « Président » entre nous ! Savez-vous, Blaise, que le pape actuel, François, songe à votre béatification ?

BP : Le Jésuite ! Il est donc bien plus… malin que ceux de mon temps !

EM : Pas de joute, non plus, entre nous ! Savez-vous aussi ce qui m’arrive ? Je chute dans les sondages et pourtant je propose des plans, contre la pauvreté, puis pour la santé, qui ne suscitent même pas de critiques ! C’est un très bon signe dans notre pays ! Et voilà que les médias, comme on dit de nos jours, ne parlent que d’un incident véniel à propos d’un de mes gardes, du Ministre de la Police qui me quitte, mécontent, ou encore d’une phrase malencontreuse que j’ai dite à un jardinier qui ne trouvait pas d’emploi ! Je lui ai proposé d’aller voir ces restaurants qui se plaignent de manquer de personnel. Et tous mes plans pauvreté et santé ont alors disparu, enfouis sous ces quelques mots !

BP : Le secondaire est toujours le principal. Vous m’avez pourtant lu, quand je parlais de ce vénérable magistrat qui allait écouter un sermon. Il remarque que le prédicateur est enroué ou mal rasé, et alors : « je parie la perte de la gravité de notre sénateur » !

EM : Je sais. Mais comment puis-je avancer sans être « accompagné de gardes, de tambours, d’officiers et de toutes les choses qui ploient la machine vers le respect » et, « en même temps », parler simplement ? « Il ne faut pas guinder l’esprit » dites-vous : vous voyez que je vous connais par cœur. Mais ce n’est pas simple de faire l’un et l’autre : et « tambours » et « pas guindé » !

BP : Oui. Et vous avez d’autant moins le choix de ménager les deux, vous dites aujourd’hui « manager » je crois, que vous devez être, par la bizarrerie de ce temps, et distant et proche, et Jupiter et « normal », et ceci constamment. La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie : c’est de moi. Vous êtes donc coincé, mais quand même : vous le saviez !

EM : En théorie ! J’ai compris maintenant que je dois passer plus de temps dans le trivial, l’anecdotique, le terre à terre, abandonner ces abstractions géopolitiques que j’aime, cesser mes réactions et foucades. Mais je crois alors réveiller les Français au réel, et on me parle de « provocations » !

BP : Emmanuel, n’avez-vous pas compris que nous remplissons le présent de bruits et de rumeurs, de divertissement et autres fake news, pour ne pas le comprendre et ne pas l’analyser, en rêvant ainsi d’améliorer notre futur ? Folie bien sûr : c’est bien pourquoi le présent nous blesse tant, pourquoi les sondages montrent que nous sommes si inquiets aujourd’hui, plus encore pour demain, car c’était mieux… hier !

EM : Mais ce n’est pas moi qui règle la vitesse de ce monde, la prolifération des faussetés, jeux et tactiques des puissants de toutes espèces ! La vérité est en train de disparaître, non seulement sous les opinions qui se disputent, mais sous les preuves qui se fabriquent, les expériences qui sont faussées !

BP : Vous ne vous rappelez pas la mienne, au Puy de Dôme ? J’y prouvais que la nature n’a aucune répugnance pour le vide ; elle ne fait aucun effort pour l’éviter ; tous les effets qu’on a attribués à  cette horreur procèdent de la pesanteur et pression de l’air. On a inventé exprès cette « horreur du vide », pour trouver une raison ! Pour faire reculer la science et la raison, rien de mieux que la peur !

EM : Mais qui peut donc m’aider aujourd’hui à expliquer mes choix, si les Français passent plus de temps à suivre ce qu’on dit de Benalla ou à commenter la longueur des jupes de Brigitte qu’à m’écouter ou me lire ?

BP : C’est inévitable. Faites simple, pas populaire. Dites : « pour lutter contre la pauvreté, éradiquer ce fléau social et humain, il s’agit de mobiliser tous nos efforts, publics et privés ». C’est digne. Mais ne vous plaignez pas de dépenser en vain « un pognon de dingue ». Jupiter descend par moments de l’Olympe ; il n’en dégringole jamais. Il faut serrer les mains et sourire : le Président des Français n’est ni ange, ni bête…

EM : Mais qui veut faire l’ange, fait la bête !

BP : Et oui ! Pour vous, je fais un autre pari pascalien : vous allez réussir !

EM : Puis-je vous citer au 20 heures ?