L’explosion de la zone euro par les régions ?

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La Catalogne presse sur le bouton « indépendance ». Il y a quelques jours, la Lombardie et la Vénétie voulaient plus d’autonomie. Toutes, prosaïquement, entendent moins contribuer à leurs budgets nationaux, affaiblissant ainsi leurs propres Etats et mettant en danger la zone euro. Une zone qui n’avait pas besoin de cela ! En effet, avec un taux de chômage à 9%, le Brexit, les tensions avec la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque, le Glyphosate et tout le reste, c’était suffisant !

 L’explosion de la zone euro par les régions ?

Cette crise régionale s’attaque aux Etats, Etats qui sont la base de la zone euro et qui pourraient devenir moins riches et plus faibles. Ceci au moment même où plus de ressources sont nécessaires, à leurs niveaux et à celui de Bruxelles, pour réduire les cicatrices de la crise passée et avancer dans un monde géopolitiquement plus dangereux, en pleine révolution technologique. Faisons donc un tour.

Barcelone, le quart du PIB espagnol, a annoncé vendredi 27 octobre son indépendance, pour conserver sa culture, et plus de ses revenus, qu’elle veut moins donner à Madrid. L’Espagne revoit alors sa croissance en baisse de 2,8 à 2,5% avec, pour l’heure, un déficit budgétaire de 5% et une dette publique de 100% de son PIB. Et ce n’est pas fini.

Milan et Venise, le tiers du PIB italien, votent à plus de 80% pour moins financer le Sud, par Rome interposée. Mais l’Italie a une croissance de 1,5% seulement, avec un déficit budgétaire de 2,4% et une dette publique de 133% de son PIB.

Faudra-t-il attendre Anvers, qui pourrait vouloir moins aider la Wallonie, en envoyant moins d’argent à Bruxelles ? Et la Belgique a 1,7% de croissance, avec un déficit budgétaire de 2,6% et une dette publique de 106% de son PIB.

Et le salarié d’Ile-de-France, avec son salaire horaire brut à 23,9 euros, en 2012, va-t-il vouloir moins aider celui de Corse, qui en gagne 15,6 ? Dans une France où la croissance va certes vers 1,8%, mais avec, par rapport à son PIB, un déficit budgétaire de 3,4% et une dette publique de 96%.

Quoi : les riches ne veulent plus payer pour les pauvres ? Marx n’y avait pas pensé ! Ou bien : la cordée d’Emmanuel Macron, celle où les plus avancés tirent les autres, cèderait au niveau des régions ? Où allons-nous, en zone euro, si ces « riches », qui le sont à peine redevenus, veulent s’éloigner de leurs voisins, sous prétexte qu’ils avancent moins vite qu’eux ? Tout le monde y perd.

Cette corde de la solidarité se tend, au fond, pour deux raisons. La plus évidente est qu’il faut continuer à payer le prix de la crise passée. L’autre, rarement mentionnée, est que la concurrence internationale et surtout la révolution technologique demandent plus de ressources pour résister, chercher, former, investir. Les premiers de cordée se jugent-ils trop ponctionnés par les transferts régionaux pour faire face à un avenir compliqué ?

Bien sûr, cette lecture économique et financière est réductrice par rapport à ces mouvements très anciens. Mais ses conséquences sont, elles, immédiatement économiques et financières. Aujourd’hui que tout va moins mal qu’en 2000 en zone euro, quand les salariés voyaient fermer leurs usines, monter le chômage et baisser leur paye, les mieux lotis s’impatientent.

Mais, aujourd’hui aussi, on oublie ce qu’a fait cette zone euro. Elle a soutenu la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande. Les pays riches, Allemagne en tête, se sont endettés pour les aider, en leur imposant – quand même – une violente phase d’austérité. Et la Banque centrale européenne a 2 500 milliards de dette publique en portefeuille.

Pour en sortir, soyons d’abord cyniques : la réduction des transferts entre régions va pousser chacune à se prendre en main, à réduire ses dépenses inutiles, à changer et innover.

Mais menacer d’exclusion de la zone euro une Catalogne devenue indépendante ne résoudra rien. Surveiller plus les comptes italiens ou belges ne suffira pas.

L’ « Europe des régions » est l’opposé de ce qu’il faut faire, si elle pousse celles qui s’en sortent le mieux à s’allier, en affaiblissant leurs Etats au passage. Elle doit, au contraire, réunir plus de ressources pour mener des programmes de rattrapage. Parallèlement, l’Europe doit soutenir partout les entreprises et promouvoir une politique européenne d’innovation, avec des pôles mondiaux de compétitivité. La cordée européenne ne tiendra que si elle est renforcée aux deux bouts, avec plus d’innovation et plus de convergence, avec plus d’Europe donc. Autrement…