Le pétrole à 25 dollars le baril ?

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25 dollars le baril ! Et pourquoi pas ? La chute du prix du pétrole, de 100 dollars le baril début juin 2014 à moins de 50 six mois après, a surpris tout le monde. Elle a fait des « heureux » et des « malheureux », et surtout des inquiets. Comment comprendre une telle chute, aussi rapide et brutale ? Et que va-t-il arriver ensuite ?

 Le pétrole à 25 dollars le baril ?

Offre et demande d’abord. Pour comprendre cette chute, il faut commencer par la bonne vieille loi de l’offre et de la demande. L’économie mondiale (la zone OCDE, environ 80 % du PIB mondial) ralentit ainsi de 0,6 % de croissance au troisième trimestre 2014 à 0,5 % au quatrième. Si elle ralentit, avec la Chine en première ligne, c’est donc que la demande de pétrole baisse, alors qu’on sait que l’offre augmente depuis des années, notamment avec la production américaine en pétrole de schiste. Voilà des mois que les réservoirs américains se remplissent et que d’autres sont en construction.

Déclic ensuite. Il en faut toujours un, pour faire apparaître aux yeux de tous ce que disent les chiffres : du stockage depuis trois ans. Le déclic, c’est le moment où l’Arabie saoudite refuse, nous sommes le 27 novembre 2014, de réduire ses quotas. « Naimi (Opi-Ali al Naimi, ministre saoudien du pétrole) a parlé de rivalité avec les Etats-Unis pour les parts de marché. Et ceux qui voulaient une réduction de la production ont compris qu’une telle réduction était impossible, parce que les Saoudiens veulent une bataille de parts de marché », rapporte une source anonyme briefée par un ministre de l’OPEP le 27 novembre 2014, citée par Reuters… C’est la chute.

Géopolitique alors : elle accentue les déséquilibres économiques. Ce pétrole moins cher, ce serait ainsi un message envoyé (par l’Arabie saoudite, grand arbitre des marchés qui rentabilise sa production au-dessus de 5 dollars le baril) aux américains qui se mettent à vouloir être exportateurs et aux islamistes radicaux (qui financent leur guerre avec du pétrole volé), plus à ceux qui les soutiennent (no names).

Donc : un nouvel « équilibre » à 50 dollars par baril ? C’est là que nous sommes. Les marchés observent ce qui se passe, pour savoir si ce nouvel équilibre est solide ou pas. Côté demande, les Etats-Unis sont toujours en croissance et le point bas de la zone euro est derrière, mais la Chine ralentit plus que prévu… Côté offre, on explique que les producteurs de pétrole de schiste ont promptement réagi en arrêtant ou réduisant certains puits, que les majors ont diminué leurs investissements et leurs explorations. Mais on construit toujours des citernes aux Etats-Unis !

Ou bien un nouvel équilibre à 25 dollars par baril ? Pourquoi pas, si un accord est trouvé entre les puissances occidentales et l’Iran, faisant venir un autre grand offreur sur la scène, qui va changer les « équilibres », en attendant que le Venezuela exploite plus et mieux ses richesses, après d’éventuels changements de responsables. Alors le prix du pétrole baisserait encore, donc l’inflation, au bénéfice des importateurs. Et que nul ne sait ce qui va se passer au Brésil en ralentissement ou dans la Russie en récession. Ceci sans compter les pays qui vont avoir un déficit budgétaire accru, Golfe et Algérie. Et sans oublier que le déficit budgétaire de l’Arabie saoudite atteint 2,8 % du PIB, son déficit courant 14,5 %, et que les agences de rating s’inquiètent. On dira que ces pays « ont des réserves » (de bons du trésor américain surtout et de la zone euro dans une moindre mesure), sauf qu’ils devront les vendre. Alors les taux américains monteront, moins ceux de la zone euro du fait des achats que Mario Draghi vient de mettre en place. L’histoire est d’autant moins finie qu’à plus long terme on nous parle de nouvelles technologies, solaires ou autres, côté offre et de comportements de type BlaBlaCar côté demande !

Comprendre les sauts : quand un marché trouve un prix, il cherche à le garder autant que possible… avant de passer à un autre s’il ne « tient » pas, espérant que ce sera cette fois un « prix d’équilibre » . D’où ces sauts brusques. 100 dollars par baril ne sera pas atteint de sitôt. 50 peut durer, alors que les marchés cherchent encore un « juste milieu » à 75. Mais il ne faut pas oublier que la politique américaine, et européenne, cherche à régler les tensions avec l’Iran pour faire entrer ce pays dans le concert des nations, gérer son programme nucléaire et atténuer les tensions islamiques. Alors : 25 ?

 

Également publié dans Economie Matin.