Le Diable et les élections

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 Le Diable et les élections

BC : Diable, je vous vois bien heureux, si j’ose dire…

D : De fait oui ! Ces élections où le peuple se vante de choisir son destin sont une vraie provocation pour moi !

BC : Et alors ?

D : Alors regardez ce que j’ai fait aux États-Unis, en utilisant les informaticiens poutiniens, plus ces réseaux sociaux immatures pour qui la seule réalité est virtuelle, plus ce patron du FBI (!) qui dit, juste avant les élections, qu’il est possible que le mari de l’assistante d’Hillary ait utilisé l’ordinateur privé d’Hillary pour des messages qu’il ne connaît pas encore. Génial, ce jeu de rumeurs ! Avec ces défenseurs de la démocratie, je puis laisser faire. Et maintenant, Trump est Président !

BC : Il va tout détruire ?

D : Bien sûr. Il commence à inquiéter ses alliés, à terroriser les mexicains, à provoquer la Corée du Nord, à menacer les grandes monnaies, à défaire les accords internationaux de commerce et pire encore, autrement dit : mieux encore, il veut affaiblir l’Otan. Il vocifère, chamboule, perturbe ses amis… J’entends souvent dire que le « diable est dans les détails ». Faux, là il est dans la lutte de Donald contre « les détails », en fait contre toute cette complexité du monde qu’il ignore.

BC : Mais tout ça va bien s’arrêter ?

D : Et pourquoi donc ? Vous croyez une minute que Janet Yellen va arrêter le flot en montant ses taux d’intérêt, que le Congrès va faire barrage, que les journaux fabriquant des fake news, comme dit Donald en parlant du New York Times, vont se révolter, que Hollywood va s’insurger ? Le courage est la denrée la plus rare au monde : je m’en suis occupé.

BC : Vous me terrifiez.

D : C’est ma description de poste !

BC : Et pour la France ?

D : Pareil, vous avez vu avec leurs Primaires ? Ils voulaient chacun consolider leur camp, au PS et chez Les Républicains. Ils voulaient rejouer le match Hollande-Sarkozy. Quelle imagination ! Raté ! Alors ils ont essayé de trouver le plus central dans chaque famille, pour avoir le plus de voix : Valls-Juppé, les Premiers ministres, plus les Présidents. Et alors, ils se trouvent avec les plus extrêmes opposés (tout étant relatif) chez chacun ! Ils rêvaient de regrouper leurs troupes, ils les écartent au maximum. Re-raté.

BC : C’était donc vous, à la manœuvre ?

D : Même pas ! Ils ne voient pas la rage et la peur du peuple et n’arrivent pas à parler formation, nouvelles technologies, Europe, dialogue dans l’entreprise pour aider et éclairer l’horizon. L’un veut réduire les dépenses de santé dans un pays qui vieillit – en se présentant comme un parangon de vertu, l’autre veut taxer les robots pour qu’il y en ait davantage en Allemagne. Avec ces propositions, je suis au chômage.

BC : Qu’allez-vous donc faire ?

D : Attendre, parce qu’il faut que Donald poursuive son œuvre, que des illusions naissent, pour qu’elles se dégonflent. Avec lui, les Américains ont fait un pari faustien : ils surfent sur la bourse. J’ai donc gagné !

BC : Et Macron ?

D : Divine surprise, si j’ose dire. Là, comme aux USA, je vais jouer Méphisto avec Faust : tenter, séduire, diviser, attiser les jalousies, antagoniser. Je verrai si une Marguerite n’est pas disponible. Je ferai tinter l’or et les plaisirs. Si Macron résiste lui, ce que je pense, je trouverai bien quelqu’un de son entourage intéressé par un poste pour lui ou une protégée… Et regardez tous ceux qui sautent du Titanic, pour s’accrocher à sa chaloupe, au risque de la renverser ! Des boat people, ces députés ! Donc… attendre.

BC : Pourquoi ?

D : Parce que je veux que les Français fassent un pacte, « angélique » lui, avec Emmanuel, le temps que les vieux chefs prennent leur retraite et que se nouent des relations avec ces bizuths européens qui arrivent de partout…

BC : Et…

D : Et les tensions vont monter, entre France et Allemagne, au sein de la BCE, partout – plus jeunes, donc plus vigoureuses. Le Royaume-Uni va tenter d’en profiter, Poutine nous distribuer sa Pravda électronique et Donald tweeter plus que jamais.

BC : C’est l’horreur !

D : Non : la zone euro se vante partout en disant que les crises la renforcent. Là, elle va pouvoir devenir immortelle !

BC : Mais ce n’est pas sûr du tout. Emmanuel a certes un charmant visage, mais il a été formé chez les Jésuites, les Protestants avec Paul Ricœur, puis chez Rothschild et chez Hollande. Ce n’est pas mal comme parcours initiatique : il peut déjouer les embûches et gagner, le pays et l’Europe avec.

D : Impossible !

BC : Et pourquoi pas un miracle ?

D : Ne parlez pas de malheur !