Guérir le burn out

- Ecrit par

Après la Présidentielle, voici les Législatives : le burn out nous guette ! A ce rythme, ce « syndrome d’épuisement professionnel », selon le dernier Rapport du 9 février 2017 de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, pourrait devenir une nouvelle maladie professionnelle, reconnue de plein droit.

 Guérir le burn out

C’est un syndrome, en grec une « réunion », d’« un ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l’organisme qui par leur groupement, permettent d’orienter le diagnostic », toujours selon le même rapport officiel. Rien de patent, de direct, d’attribuable à tel élément précis, mais un mal-être qui s’enkyste et qui affaiblit le salarié. Rien de stable ni d’aisément mesurable non plus, d’autant qu’il affecte des individus jugés « normaux ».

Le burn out n’est pas le stress, évidemment pas le harcèlement sexuel ou la violence au travail. Il est la conséquence d’une surcharge, ou plutôt d’une « multi-charge ». Il est parfois présenté comme « la maladie du battant », la revanche du multi-tasking. Pour le traiter, le rapport officiel formule des propositions tout autant officielles. Il s’agirait de référencer ce syndrome au niveau national, pour mieux le définir et le suivre, d’instaurer un site Internet spécialisé et d’améliorer les conditions d’organisation du travail en entreprise (et de médecine du travail), notamment en y sensibilisant les cadres. Rien que ça !

Malheureusement, l’explication économique est absente de l’approche. Or ce syndrome vient en large part des effets indirects des nouvelles technologies de l’information-communication. Ce qui est en cause n’est pas ce qu’elles peuvent apporter : plus d’efficacité et de vitesse. Ce n’est pas non plus les efforts à faire pour les maîtriser : plus de formation et d’apprentissage. Ce qui est en jeu, c’est de bien les intégrer dans le processus de travail de l’équipe et, plus encore, dans celui de chacun. Ce syndrome ne vient pas tant de l’inquiétude d’être « largué » ou de l’accélération des tâches que de leur interaction. Tant de sujets différents à traiter à la fois !

La « théorie du résidu » fait ici son entrée, absente du rapport français. Et pourtant, en 2009, Sophie Leroy écrit un papier passé longtemps inaperçu : Why is it so hard to do my work? The challenge of attention residue when switching between work tasks. Sa thèse est que de plus en plus de tâches s’offrent à nous, tâches que nous essayons de traiter, plus ou moins simultanément. Notre attention passe alors de l’une à l’autre, sans avoir clos la précédente. Reste donc, dans nos esprits, un « résidu ». Cet inachevé vient des questions encore pendantes, plus de l’insatisfaction des réponses que nous avons apportées. Il ne cesse d’augmenter et nous freine pour consacrer pleinement nos capacités au sujet qui suit.

Pour aller mieux, Sophie Leroy ne propose pas d’éteindre son Blackberry (nous sommes en 2009 quand elle écrit) ou de devenir mono-tâche. « Le rêve » serait d’être à même de mener plusieurs tâches de front, en gérant au mieux leurs vitesses. Le problème serait résolu, un temps du moins. « Le pratique » est d’apprendre à trouver une solution intermédiaire satisfaisante pour une tâche, avant de passer à l’autre. Contre le burn out, il faut savoir réduire le résidu, gérer l’inachevé.

Opposé et péremptoire, Carl Newport (Deep Work: Rules for Focused Success in a Distracted World) propose le deep work : travailler vraiment sur une seule tâche. C’est : répondre aux mails, ou préparer une réunion, ou écrire une note, ou faire une présentation… en laissant du temps entre chaque tâche pour bien se concentrer, la mener et « évacuer le résidu ».

Alors : gérer l’à peu-près ou afficher please do not disturb ? Comment travailler efficacement dans cette ère digitale, où l’attention est limitée face à la multiplicité croissante des sujets à traiter, entre pression du temps et besoin de bien faire ?

Pour ne pas se faire burnouter, apprenons à travailler différemment, selon les capacités de chacun. Il faut qu’écoles et entreprises s’emparent du sujet avant qu’une « maladie officielle » ne surgisse, avec ses coûts, mesures, « salariés protégés », médecins du travail et centres de soins, plus ses lois et règlements… Ce syndrome, c’est la mal-organisation pour répondre au progrès qui avance, avec ses effets négatifs. Il se traite par l’échange, la formation, la coopération et l’adaptation. Au travail, pour bien mener tous ces travaux !