Gagner la guerre fiscale que lance Donald Trump

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Donald Trump vient d’ouvrir une bataille fiscale mondiale, au milieu de ses soucis. Il veut réagir aux baisses de taxes sur les échanges et aux baisses d‘impôts sur les personnes et les entreprises des pays concurrents, notamment émergents. En économie, le creusement du déficit extérieur et public y pousse. En politique, les « vols d’emplois » dont parle Donald Trump « l’expliquent ». En fait, la montée de la Chine y contraint.

 Gagner la guerre fiscale que lance Donald Trump

Donald Trump veut changer la donne fiscale pour changer la donne stratégique, par la croissance. Il exprime des idées simples, pas toujours cohérentes ni sans défaut. Il chamboule le jeu, avec des risques majeurs. En même temps, il nous ouvre la possibilité d’améliorer les situations européenne et française. Merci Donald ?!

Donc simplifions les taxes nous aussi, comme lui. « Une page », dit le Président Trump à The Economist le 11 mai, pour décrire le système fiscal qu’il désire. Oublions « la » page, retenons le message : l’efficacité fiscale passe par sa simplification, sa lisibilité et sa permanence. Merci Donald !

Donc simplifions les taxes… pour mieux les baisser, comme lui. On le sait, la (triste) pratique fiscale est de taxer d’abord pour rogner ensuite, en fonction des réactions. C’est pourquoi la fiscalité essaie toujours de prélever plus, avec toujours plus d’exemptions et de complications ! « La » page de Donald Trump permet moins de taxes partout : un exemple à suivre. Merci Donald !

Mais, contrairement à ce que fait Donald avec le Mexique et le Canada, renforçons nos liens avec les voisins européens. Ne créons pas de tensions avec eux, au contraire. Pensons plus au Sud, Tunisie, Maroc, Algérie… dont la croissance est, pour nous aussi, une priorité économique, politique et démographique. Donald Trump veut, lui, des équilibres binationaux. Il répète qu’il est favorable au libre-échange, mais défavorable aux échanges déséquilibrés d’un pays à l’autre, en tout cas « trop déséquilibrés ». D’où sa liste des pays les plus déficitaires avec les Etats-Unis : 347 milliards avec la Chine, 69 avec le Japon, 65 avec l’Allemagne et 63 avec le Mexique. Cette logique de rééquilibrages binationaux le conduit aux menaces : la Chine « manipulerait le Yuan », les droits de douane pourraient doubler avec le Mexique, la frontière se fermer au bois canadien… Cependant, après avoir songé à dénoncer le Nafta, avec Canada et Mexique, le voilà qu’il veut le renégocier… en position de force. Le Mexique signera, mais regardera plus vers le Brésil, et le Canada plus vers la Chine, à partir de Vancouver. Merci Donald du contre-exemple !

Mais, contrairement aussi à ce que fait Donald Trump avec l’Asie, étendons nos accords. Cherchons des alliances plus vastes, à partir de l’Union européenne et de la zone euro. Donald Trump dénonce le TTP (Traité Trans Pacifique), préparé par son prédécesseur en Asie. Il ruine l’accord de 2016 entre 12 pays, 40% du PIB mondial, un tiers des échanges commerciaux ! La politique d’endiguement, par les Etats-Unis, de l’influence chinoise en Asie s’arrête. Et la Chine se fait aussitôt le chantre des échanges mondiaux – au bénéfice des pays émergents dit-elle, et grâce à elle ! A Pékin, les 14 et 15 mai 2017, elle s’engage pour 500 milliards de dollars à relier l’Asie à l’Europe (Obor, One Belt One Road). Merci Donald pour cette erreur stratégique ? Non : elle n’arrange personne.

Plus encore, préparons-nous aux effets négatifs du rapatriement fiscal. Donald scrute les 2,2 trilliards de dollars des entreprises américaines « parqués » hors des Etats-Unis, et de leur fiscalité. Une baisse des impôts à 15%, pourquoi pas à 10%, les ferait revenir. C’est son secret pour avoir 3% de croissance (et plus). Mais les entreprises devront céder leurs placements pour rapatrier leurs avoirs, le dollar montera. Merci Donald ? Oui, si nous baissons nos taux sur les entreprises : 25% ? Oui, si nous dissuadons d’un rapatriement total. Oui, pour le dollar.

Surtout, le pire est le risque d’erreur de la politique Trump. Parier que le creusement du déficit budgétaire américain venu de la baisse d’impôts sera compensé par le rapatriement des profits puis par un regain d’activité grâce à l’investissement, le tout sans creusement du déficit extérieur, n’est pas gagné ! Le dollar peut monter, les déficits extérieur et budgétaire américains aussi, la Chine réussir. Merci Donald ? Pas encore : nous ne gagnerons sa guerre que si ses propres erreurs nous rendent plus unis.