France : si trop d’impôt tue l’impôt, moins d’impôt tue qui ?

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Le Président Hollande veut diminuer de 2 milliards l’impôt sur le revenu des catégories modestes et intermédiaires l’an prochain. Il entend profiter d’une situation budgétaire meilleure que prévu qui en apporte 4, grâce aux redressements fiscaux pour plus de la moitié – soyons précis. Calcul économique ou politique ?

 France : si trop d’impôt tue l’impôt, moins d’impôt tue qui ?

Si c’est de l’économie, cette mesure doit contrer la menace qui pèse sur notre futur et soutenir notre croissance potentielle. Selon le FMI, en effet, elle se situe à 1,1 %. C’est dire l’urgence. On peut toujours critiquer la façon dont le chiffre est établi, reste qu’il est faible. Car comment seront payées les retraites, sans oublier les dépenses de santé de notre société vieillissante, si la croissance est à ce point limitée ? Avec 1 % de croissance à moyen terme, la France ne tient pas. Donc, la baisse des impôts actuellement envisagée doit augmenter la croissance potentielle. Autrement, c’est de la politique.

Pour savoir si une baisse des impôts est économique ou politique, il faut se demander comment augmenter la croissance potentielle. La réponse est claire : par l’investissement matériel et immatériel. Lui seul permet d’« exporter plus, pour employer et croître plus». Le financement de cet investissement viendra des marges des entreprises et de la volonté de prendre des risques, les deux fonctionnant ensemble. Les crédits bancaires feront le complément.

Pour que moins d’impôt ne tue personne, aujourd’hui, demain et après-demain, il faut donc qu’il impulse plus de croissance et d’emploi dans la durée, autrement dit permette plus de marges aux entreprises. Cette augmentation des marges peut passer par la baisse de leurs impôts si on veut, mais pas seulement. Elle naît plus nettement et plus sûrement encore si on simplifie la vie des entreprises et si on réduit leurs risques. Leur simplifier la vie, c’est simplifier les lois et stopper les normes. Réduire leurs risques, c’est permettre au droit du travail de s’adapter à leurs cas particuliers, elles qui doivent ajuster bien plus qu’avant les qualifications et les emplois. Alors les marges montent durablement, le moral grimpe, la croissance potentielle augmente.

Donc : faut-il réduire encore l’impôt sur le revenu en France, sachant que sur 37,1 millions de foyers en 2014, 19,6 millions ne le payent pas, soit 52,8 % contre 48 % l’année précédente, et que la demande des ménages est soutenue, mais pas l’investissement ? Les mesures annoncées par le Président Hollande le 7 septembre représentent une perte de ressources fiscales de 2 milliards d’euros, 1 million de nouveaux non imposables et deux à trois millions de « moins imposés ». Aurons-nous plus ou moins de croissance potentielle ?

Pas vraiment plus : « les taux mangent l’assiette ». L’expression est peu connue, mais elle décrit bien les enjeux. L’assiette de l’impôt ne cesse de se réduire. Nous allons en France vers plus de 55 % de foyers hors IRPP. La courbe de Laffer a illustré le phénomène. Les départs de France des assujettis à l’ISF et des jeunes le démontrent.

Le danger français n’est pas une « allergie à l’impôt » – psychologique. Il s’agit moins encore d’un refus de financer « l’entretien de la force commune », comme le dit la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 – hostile à la société. Il s’agit du fait que la pression fiscale tue la croissance en affaiblissant la base fiscale du pays, une base qui vient des marges des entreprises. Moins de marges et c’est la spirale baissière : moins d’impôt de leur part, puis moins d’emploi et de revenus, moins d’IRPP et de TVA aujourd’hui, puis moins de croissance, d’assiette et de base demain. Reste donc à taxer plus ceux qui… restent : classes moyennes et PME !

Taxer moins les ménages, c’est en fait taxer plus les entreprises : les vases s’équilibrent si la croissance ne repart pas. Il y a peut-être bien mieux à faire si on veut réduire la fiscalité à long terme des ménages : tout mettre en œuvre pour avoir plus de croissance et d’emploi par la compétitivité. Et qu’on ne dise pas que cette baisse d’impôt des ménages aujourd’hui leur fera accepter plus aisément demain les réformes et les assouplissements indispensables. Elle les rendra plus compliqués si on n’explique pas ce qui est en jeu, et financièrement plus durs. La France entre dans une période où elle va faire plus encore de politique que d’habitude et encore moins d’économie.

Trop d’impôt tue l’impôt, mal le diminuer tue plus encore.

 

Voir sur ce sujet Budget français fin juin : que faire de 4 milliards de moins de déficit ?, le Zoom du 10 septembre.

 

Egalement publié dans Economie Matin.