France is back! Ses problèmes aussi

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1,9% de croissance en 2017, sinon 2% et, pour le prudent FMI, 1,9% aussi en 2018 et 2019 ! Selon l’indicateur Markit des Acheteurs publié le 24 janvier, la forte expansion du secteur privé se poursuit. Mieux, elle continue de reposer sur une augmentation des nouvelles affaires. « Le taux de croissance des nouvelles commandes reçues par les entreprises privées françaises atteint, en janvier, son plus haut niveau depuis avril 2011 ». Les carnets de commandes se remplissent, les perspectives d’activité restent bien orientées. L’Insee calcule en janvier que le climat des affaires s’améliore dans l’industrie (et ceci depuis des mois) et fléchit à peine dans les services. Le niveau de décembre a été, pour l’ensemble de l’économie, le plus élevé depuis dix ans !

 France is back! Ses problèmes aussi

La bourse est assez en forme, au-dessus de 5 350 points pour le Cac 40, presque son plus haut depuis dix ans, pas si loin du record à 6 000 de 2007, mais encore loin du maximum à 6 945, le 4 septembre 2000 : ne rêvons pas ! La vraie nouveauté est que cette reprise se produit avec des taux encore bas, à 1% pour l’emprunt à dix ans, alors que l’inflation est à 1,2% ! Une reprise avec des taux si bas, et sans inflation ! Mais tout n’est pas si rose.

D’abord, le marché du travail est rompu. D’un côté, il y a plus de chômeurs peu ou pas qualifiés ; d’un autre, les emplois qualifiés manquent. La baisse des chômeurs de catégorie A (-15 700 sur un an de personnes sans emploi et libres immédiatement à temps plein) est malheureusement compensée par les hausses des chômeurs à temps contraint court : +28 600 (catégorie B, en activité moins de 78 heures dans le mois) et, surtout, des nouveaux entrants en catégorie C : +135 600, (en activité plus de 78 heures dans le mois). Ces chômeurs supplémentaires travaillent déjà mais veulent travailler plus, sans trouver. Leurs qualifications ne suffisent pas : il faudra pour eux encore plus de croissance et de formation.

D’un autre côté, 32% des entreprises citent (en octobre 2017) l’indisponibilité d’une main-d’œuvre compétente comme frein à l’embauche, et donc à leur développement. Elles sont 29% à la signaler dans les services, 38% dans l’industrie et 50% dans la construction. En comparaison, le frein de l’« incertitude économique » pèse moins : 25%.

Ensuite, face à cette pénurie, les coûts salariaux des personnels compétents montent. « La forte demande clients continue de soutenir les embauches en janvier, l’emploi progressant ainsi pour le 15ème mois consécutif » note Markit. Les salaires ont partout tendance à augmenter, ce à quoi s’ajoutent les hausses des prix des matières premières (pétrole, acier, cuivre…) dans l’industrie. Les entrepreneurs voient monter leurs coûts (ils étaient 20% à signaler les « coûts liés à l’emploi » comme frein à l’embauche en octobre à l’Insee) et vont tenter de les « faire passer », profitant de la reprise. Les prix des achats se dressent ainsi, toujours selon Markit, à leur plus haut niveau depuis 80 mois. « Les coûts augmentent à un rythme élevé… les prix de vente augmentent également à un rythme plus soutenu en janvier… les entreprises cherchant à répercuter la progression de leurs coûts sur leurs clients. »

Mais, c’est là le hic, payer des salaires plus élevés et répercuter les hausses n’est pas aussi facile pour les petites entreprises que pour les grandes. Si la contrainte de manque de compétences est perçue comme la même pour tous, en revanche 17% des grandes entreprises ont des problèmes de « coûts liés à l’emploi », autrement dit pour payer, 19% des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire), mais 29% des PME.

Cette reprise ne frappe pas pareil à toutes les portes. Elle peut oublier des salariés et des chômeurs insuffisamment qualifiés. Elle peut affaiblir des PME qui ne pourront payer ou renforcer les compétences dont elles ont besoin, sans pouvoir répercuter les hausses de leurs charges. On perçoit ces craquements dans la construction, l’agriculture, les services aux entreprises.

Il y a un risque de freinage global à ne pas soutenir partout la formation, pas assez les PME par la simplification des procédures, et la construction – par celle des normes. On voit les dangers de cette reprise lente et inégale, donc ce qu’il faut faire pour ne pas avoir, comme on le voit, plus de chômeurs de longue durée et plus d’inflation, plus d’importation et de déficit budgétaire, plus de PME larguées et, en plus, des taux d’intérêt en hausse. France is back, if we change!