Entretien avec Emmanuel Macron

- Ecrit par

 Entretien avec Emmanuel Macron

Betbeze Conseil : Pas trop fatigué ?

EM : Ça va. Mais je dois reconnaître que quand le monde est à ce point en crise, la zone euro sous pression, avec ces migrants et la montée de menaces partout, j’ai autre chose à faire que traiter les ouvertures le dimanche dans le 13éme arrondissement de Paris ou l’augmentation d’un euro de la redevance télé. Le sens des perspectives n’est pas le même partout. Je le savais. Mais pas à ce point !

BC : et l’an prochain ?

EM : ce n’est pas un secret, je m’occupe beaucoup des dix années qui viennent et le Président de l’année et demie qui vient. La question est de faire coïncider les deux agendas. Ainsi, moi, ce qui m’intéresse, ce sont les start up et la modernisation de l’économie, avec des marges à accroître dans les entreprises pour innover, s’étendre et prendre des risques. La croissance de demain, c’est ça. Mais vous comprenez qu’il faut absolument composer avec nos électeurs d’aujourd’hui, pour qu’ils le restent. Et ils sont plus dans des collèges que dans des pépinières d’entreprises et surtout dans ces provinces dont on essaie de réduire le nombre sans diminuer le leur. C’est donc assez compliqué.

BC : mais c’est impossible !

EM : vous savez, quand je vois les idées des autres, je m’inquiète moins, sauf pour nous tous. Heureusement, Mario Draghi est là. Il va acheter le tiers de notre dette nouvelle jusqu’à l’an prochain… fin 2016. Autrement, les taux d’intérêt à long terme monteraient encore et notre programme budgétaire serait retoqué à Bruxelles… par Moscovici ! Dans ce programme budgétaire, nous avons prévu de redistribuer en baisse d’impôts pour nos électeurs, pardon : pour « les plus modestes des Français soumis à l’IRPP », les 2 milliards qui viennent des redressements fiscaux faits en Suisse.

BC : quoi, vous allez utiliser une ressource temporaire pour financer la baisse permanente de vos rentrées ?

EM : c’est toute la différence entre le court terme politique et le moyen terme économique. Mais personne ne l’a trop vu, tant c’est l’égalité des revenus après impôt qui nous obsède.

BC : et les migrants ?

EM : je crois qu’ils vont représenter la moitié de notre supplément de croissance si nous nous y prenons bien, c’est-à-dire si nous intégrons tout de suite les plus formés et formons les autres. La France a des chômeurs, mais des offres d’emploi insatisfaites. Vous croyez que ces personnes qui ont risqué leur vie ne voudront pas être boulangers ou éboueurs ? Leurs enfants, ensuite, seront ingénieurs. C’est toujours ainsi : la France a été un grand pays d’accueil d’expertises et d’espoirs, donc de croissance. Moins maintenant. Plus on ouvre, plus on reçoit, et inversement.

BC : mais il y a des risques ?

EM : ah oui, les fameux extrémistes clandestins qui ont franchi la mer au péril de leur vie pour se faire sauter ici ? Tout est possible ! Mais, vous savez, nous avons déjà des extrémistes chez nous. L’immense majorité de ces migrants qui ont souffert pour venir ici n’aspirent qu’à la paix, et pour beaucoup à revenir chez eux, quand ce sera possible. Je ne vois pas que des bombes humaines dans ces migrants épuisés, avec femme et enfant.

BC : et alors, pour le futur ?

EM : mettons-nous dans une perspective favorable. Peu à peu, nous inversons la balance des risques en montrant que la reprise est là, solide. Alors, l’embauche vient, la fameuse « inversion de la courbe ». Mais vous savez bien qu’elle viendra plus d’une flexibilité accrue de l’emploi que de la réduction des charges, avec ce fameux CICE, un CICE que nous ne pouvons plus vraiment financer, avec nos autres promesses. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’affrontement de deux logiques, l’une comptable, l’autre économique. La logique économique, c’est la libération des énergies. La logique comptable, pour ne pas dire « politique », c’est la réduction des impôts sur les ménages plus la réduction… des réductions de charges promises aux entreprises. Ceci nous donne donc une très, très lente… réduction du déficit ! N’oubliez pas en outre que les dépenses publiques sont croissantes, avec ce « statut de la fonction publique » dont il ne faut plus parler, et que nombre de collectivités publiques vont avoir des difficultés de financement. Mais nous serons en 2017.

BC : et que se passera-t-il donc en 2017 ?

EM : soit nous somme élus, soit « les autres » auront des problèmes.

BC : mais si vous êtes élus, il y aura quand même des problèmes.

EM : oui, mais nous serons élus. J’aurai plus de temps pour travailler.

BC : si vous êtes là ?

EM : ah oui, j’avais oublié !

 

Voir sur ce sujet France : le budget 2016 parle à 4 oreilles… pour 2017, le Zoom du 24 septembre.