Comment piloter cette économie mondiale qui vole en rase-mottes ?

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 Comment piloter cette économie mondiale qui vole en rase-mottes ?

Les grandes économies volent désormais toutes en rase-mottes.

Avant c’était le bon temps : 8% de croissance par an pour les pays émergents, 3% pour les industrialisés. A cette époque chacun avait sa vitesse, ce qui devait permettre à la longue aux « émergents » de rattraper « les industrialisés ». Pour ce faire, ils leur vendaient leur travail pas cher – ce qui les aidait en retour ! Depuis, les plans de vol ont changé. « Les émergents » ont désormais 3% de croissance par an, « les industrialisés » 1%, et encore par vent arrière (autrement dit : grâce à des politiques monétaires particulièrement compréhensives). La Chine décroche de 10 à 6% en 10 ans, les États-Unis de 4 à 2,5% en deux, la zone euro de 2,8 à 1,1% en un. Et ces glissades ne semblent, nulle part, arrêtées. Jusqu’où ?

Faire ralentir une économie aujourd’hui, c’est risquer de la faire se crasher.

Avant, quand les économies volaient plus haut, elles avaient aussi plus d’inflation, donc des taux d’intérêt plus élevés. Alors, quand un ralentissement menaçait, leurs banques centrales baissaient leurs taux, ce qui amortissait la descente. Plus leurs taux étaient élevés, plus elles pouvaient le faire, espérant ainsi éviter la récession. Mais il faut reconnaître qu’elles n’y arrivaient pas toujours. En tout état de cause, les taux restaient à zéro le temps qu’il fallait, pour que l’économie reprenne de l’altitude, largement aidée par un déficit budgétaire qui explosait.

C’est aujourd’hui la servicisation des économies qui fait que les économies décélèrent et « volent bas ».

Avant, l’industrie contribuait beaucoup à la croissance, grâce aux gains de productivité qu’elle permettait, gains qui n’ont rien à voir avec ceux, encore très modestes, des services. Certes cette croissance poussée par l’industrie avait son revers : elle était plus forte, en liaison avec les poussées de l’investissement, donc plus volatile, avec leurs freinages. Une économie plus industrielle a plus de croissance qu’une autre, plus servicielle, mais aussi plus de sautes d’humeur. C’est bien le cas de la Chine, et l’explication de son étonnante croissance par le déversement d’une agriculture qui passe de 27% du PIB en 1990 à 10% en 2012, avec une population qui migre vers une industrie (plus construction) qui va de 42% du PIB à 45% aux mêmes dates, la part des administrations et services sautant, elles, de 9 à 25% ! Cette Chine qui se « dés-agricolisait », s’industrialisait et « s’admninistrativait » à grande vitesse devait bien, un jour, freiner ! C’est aussi l’explication de la croissance allemande, et de son fort ralentissement actuel, pour motif de baisse des exportations. Ainsi, l’indice Markit de l’activité manufacturière allemande atteint-il en mars 2019 son minimum depuis 79 mois.

C’est cette servicisation des économies qui explique qu’elles repartent lentement, même gorgées de crédit, même en déficit budgétaire.

C’est ce qui se passe en zone euro, où la part de l’industrie atteint 17% et celle des services 73%, par rapport à l’Allemagne, où ces pourcentages sont, respectivement, 26% et 69%. Et la France plus servicielle, même si elle ralentit en 2019, devrait avoir plus de croissance que l’Allemagne industrielle : 1,3 contre 1,5% ! Les services amortissent la baisse, mais aussi l’effet des politiques monétaires ! Elles sont partout très utilisées pour faire repartir les économies en faisant baisser les taux courts et longs, mais y ont de moins en moins d’effet. Les ménages s’endettent plus et pour plus longtemps pour acheter autant de mètres carrés : quand les taux baissent, les prix montent ! Et quand les taux baissent, les entreprises s’endettent, non pour investir plus en machines mais pour mobiliser moins de fonds propres et en gonfler ainsi la rentabilité. L’emploi avance surtout dans les services. En France, il augmente de 0,9% dans les services marchands contre 0,2% dans le manufacturier en 2018.

Mais alors, pourquoi la productivité des services augmente-t-elle si peu, avec ces ordinateurs qu’on voit partout et ces logiciels qui les remplissent ?

Parce qu’il faut du temps pour bien les utiliser ! On commence à la voir monter aux États-Unis, c’est pourquoi le plein emploi y fait peu augmenter les salaires, avec ces améliorations de qualité des prestations qu’on peine à mesurer. Donc, quand on vole bas et remonte si lentement, il faut être patient et bien maîtriser le pilotage informatique, pour ne pas décrocher.