Aux (chers) abris !

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Les bourses chutent, puis tentent de se relever. Les taux longs des pays sûrs sont au plus bas. Les devises des pays fragiles dévissent. Est-ce l’apocalypse ou un nouveau monde qui naît, avec de nouveaux rapports de force ? Un monde et des rapports de force que nous n’arrivons pas à comprendre et à mesurer, tant tout cela est complexe, changeant, nouveau !

 Aux (chers) abris !

Le Cac 40 tutoie 4000 points (par en dessous). Les investisseurs prêtent à 10 ans à l’Allemagne à 0,2 % et à la France à 0,6 %. Le 10 ans Etats-Unis est à 1,7 %, le 10 ans Japon à 0,07 %. En même temps, les banques centrales du monde veulent une inflation à 2 %. Alors, ceux qui achètent aujourd’hui ces bons du trésor sont sûrs de perdre demain si les banques centrales réussissent, sauf s’ils pensent qu’elles vont rater !

Et ce n’est pas fini. Au Japon, la banque centrale va continuer à acheter des bons du trésor : ils seront alors en territoire négatif. En zone euro, la Banque Centrale Européenne va continuer ses emplettes mensuelles de 60 milliards, soit 12 milliards pour la France, ce qui contribuera à faire baisser leur rendement. Dans quelques mois, quand elle aura baissé son taux de réserves à – 0,4 ou – 0,5 %, elle pourra acheter plus pour moins cher ! Comment comprendre cette ruée mondiale vers les actifs jugés les plus sûrs et les plus liquides ? Tout va-t-il s’effondrer ? Est-ce que nous vivons une autre crise majeure, un perfect sorm, ou bien est-ce une nouvelle page qui s’ouvre ? Rechute ou Nouvelle ère ?

Une rechute, ce serait une configuration que les marchés financiers craignent mais n’arrivent pas à intégrer. Eux qui sont normalement payés pour voir demain et après-demain, ne parlent plus que du passé. Mauvais signe. Ce serait pire qu’un nouveau 2008 qui nous menace : un nouveau 1929. Et ceci au moment même où les munitions pour y faire face (creuser le déficit budgétaire, diminuer les taux, baisser le change) ne sont plus disponibles ! La déflation mondiale + Daesh + Trump ou équivalent, sans aucune protection…

Ou bien est-ce une Nouvelle ère. Nous vivons de fait une nouvelle configuration mondiale. Elle vient d’abord de la « nouvelle économie », des big data, Apple plus le reste. C’est un changement profond des modes de vie. Il provoque des destructions et des bulles. On voit ce qui est détruit mais on ne sait pas évaluer ce qui naît, d’où des bulles, qui explosent. Cependant, les bulles financées par actions appauvrissent l’actionnaire – qui devrait s’en sortir s’il n’est pas trop endetté, tandis que des bulles financées à crédit fragilisent le banquier – donc tout le système. Aujourd’hui, ce n’est quand même plus les subprimes ! Cette nouvelle configuration vient ensuite de la baisse des prix du pétrole. Interviennent à la fois le ralentissement des émergents, le changement stratégique de la Chine et l’inconnue sur l’équilibre du marché du pétrole quand l’Iran va se mettre à produire – plus Daesh. Si le bas prix du pétrole est là pour durer, les réserves de change des banques centrales et les fonds souverains sont là pour baisser, les pressions sur les taux et les changes vont demeurer. Et comme ceci est trop simple, il faut ajouter la géopolitique : guerres religieuses et ethniques, tensions entre grandes puissances, « duel » américano-chinois notamment, avec les élections américaines. L’histoire du monde est ainsi faite que les problèmes latents apparaissent et s’aggravent quand l’économie faiblit. C’est maintenant.

Alors, ouvrons les dernières bouteilles !

Ou bien remarquons que ces prix qui baissent sont aussi du pouvoir d’achat. Ou bien remarquons que les résultats des entreprises sont bons. Les valorisations boursières sont redevenues « attractives », après une telle correction. Mais les marchés financiers attendent « un point bas » ou « le fond de la piscine » pour remonter. Ils attendent que les anticipations passent du gris foncé aujourd’hui vers plus de bleu, même faible, demain. On connaît les « fournisseurs de bleu » : Janet Yellen et Mario Draghi. Ils jureront qu’ils maintiendront leur politique monétaire accommodante : ouf ! Pour en sortir vraiment, il faudrait un arrangement côté pétrolier (entre Arabie saoudite et Iran !) plus une Chine qui nous dit ce qu’elle fait avec une banque centrale qui prend – enfin ! – la parole.

Les grandes crises ont un grand avantage : avec elles, l’impossible se produit. C’est alors qu’il faudra sortir des abris et qu’on se dira qu’on les a payés bien cher ! C’est la vie.