Arrêter la vague populiste

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Brexit le 24 juin, Trump le 8 novembre, 47% pour l’extrême droite autrichienne le 4 décembre et, le même jour, 59,1% contre Renzi qui démissionne en Italie : sommes-nous face à une vague ? Va-t-elle passer en France (le 7 mai 2017), puis en Allemagne (entre septembre et octobre 2017) ?

 Arrêter la vague populiste

D’abord, le populisme est permanent. Il est plus ou moins fort, en fonction de la santé de la démocratie, de l’économie et de l’emploi. La démocratie s’use quand l’économie ne remplit pas sa promesse d’emploi et d’avancée sociale. La logique du populisme est alors de réunir les mécontents, baptisés « le peuple », contre la minorité coupable de ses malheurs. Elle est baptisée « élite » ou, plus précisément aujourd’hui, « Washington » chez Donald Trump, « le 1% » chez Bernie Sanders, « la caste » chez Marine Le Pen, « la casta » chez Cinque Stelle en Italie et Podemos en Espagne. Il n’y a donc pas un seul populisme dans cette vague globale mais deux, à droite et à gauche. Tous deux affaiblissent la démocratie et chacun corrompt « son » ennemi : la droite ou la gauche non populiste. Enfin, le populisme américain est direct, l’européen indirect. Le populisme américain oppose « le peuple » à « Washington » ou au « 1% ». Le populisme des pays européens oppose le peuple à l’élite, via l’Europe. Il est donc bien plus dangereux : il ne veut pas détruire l’élite pour changer le système, mais « seulement » l’Europe, censée être son instrument.

Le populisme est un mouvement protestataire qui fonctionne, au début du moins, dans le cadre de la démocratie et du système capitaliste. Il se nourrit de rancœur, pas de rigueur. Il veut toujours réguler, pas révolutionner. Ainsi, quand Donald Trump, surfant sur le courant isolationniste et xénophobe, parle des immigrés mexicains, il gagne le concours populiste en parlant d’un « mur » que le Mexique devra lui-même payer. Personne ne pourra le dépasser. A gauche, surfant sur la réaction anti-inégalités, illustrée par Robert Gordon surtout et par Thomas Piketty, Bernie Sanders demande de passer le salaire minimum à 15 dollars l’heure contre 7, d’étendre à tous l’assurance santé plus la gratuité de l’Université. Il sait qu’il passe les bornes « économiques ». S’il avait demandé le passage du salaire minimum à 9 dollars, plus d’aides pour les handicapés ou plus de bourses, il aurait ouvert un espace aux négociations. Là, il pousse Hillary Clinton à proposer un salaire minimum à 15 dollars sur deux ans.

Le populisme de Donald Trump a le beau rôle. Impressionnant le Mexique et les pays émergents, plus le Canada, menaçant les entreprises américaines qui veulent délocaliser, il galvanise ses électeurs qui lui pardonnent les milliardaires au gouvernement. La bourse adore, les fonds de pension et les valeurs des maisons montent. Il s’agit de faire que l’Amérique soit great again. Et par rapport aux baisses d‘impôts pour les entreprises et les hauts revenus, le populisme de gauche ne dit rien : il en veut à Hillary ! Ce n’est que plus tard, face à la prochaine récession et à l’avancée de la Chine que des problèmes se poseront, graves, à son bénéfice cette fois !

Les populismes européens, de droite et de gauche, sont les plus dangereux car ils s’opposent à une structure, « Bruxelles », qui ne veut pas s’enrichir mais, selon eux, oppresser. « L’austérité » qu’elle défend obéit à une logique anglo-saxonne désincarnée. Elle veut faire le bonheur du peuple en le faisant souffrir, par ratios et concepts interposés.

L’Europe est très menacée par ses deux populismes car ils en veulent à sa logique supranationale, ce qui leur permet d’unir leurs forces. Bien sûr, ils n’attaquent pas directement l’euro, apprécié par les Européens, mais ses… bases. En plus, contre l’Europe, à l’extérieur, il y a le Brexit appuyé par Trump, le terrorisme, la montée des tensions avec la Russie et la Turquie, sachant que l’Otan est moins présente !

On a oublié que l’Europe a été construite contre la guerre, et a réussi. Créer un grand marché pour l’emploi, avec ses règles, c’est pour éviter les dangers sociaux et politiques du chômage de masse. Il entraîne des réactions protectionnistes et xénophobes. Mais cette fois, entre puissances devenues moyennes, c’est aussi dangereux que vain. Pour arrêter ces deux populismes, il ne s’agit pas de répéter que nous voulons la paix, la démocratie et l’emploi. Il faut retrouver le sens de notre histoire par des « réalisations concrètes », comme avec Schuman. Autrement, la vague enflera.