À quoi bon des économistes ?

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 À quoi bon des économistes ?

Un économiste n’est ni médecin, ni architecte : un immense avantage, pour les non-économistes !

Ainsi, il peut annoncer qu’il l’est, sur les ondes et à la télévision, sans qu’on vérifie ses diplômes, voie ses malades ou ses maisons, donc risquer un ennui pour usage abusif de titre. Celui qui se dit économiste parle certes d’économie, mais surtout de politique. Il juge et critique, principalement le gouvernement et les pouvoirs en place. Surtout, il propose de « tout changer ». Pour « être » économiste, il suffit donc d’affirmer qu’on l’est et de se lancer dans des propositions hardies, si possible hostiles aux riches, patrons, technocrates et politiques en place – bref à tous ceux qui prennent des décisions. Il n’y a aucun risque : au contraire, la notoriété sera là !

Pour renforcer sa stature, on peut invoquer le grand Marx, le gentil Keynes, Piketty et sa lutte contre les inégalités – mais jamais les auteurs libéraux, sauf pour s’en éloigner.

On les nomme d’ailleurs « ultra-libéraux », alors qu’on ne parle jamais d’ « ultra-marxistes » ou d’ « ultra-keynésiens ». Les choses se compliquent cependant, quand il s’agit de se battre avec les chiffres et de faire des propositions. Des propositions, pourquoi ? Pour avoir plus de croissance, d’emploi (plus de croissance et d’emploi ensemble ?), moins d’inégalités (de genre, revenu, patrimoine, carrière, durée de vie ?), moins de pollution (comment, et à quel terme) ? Car tout n’est pas possible à la fois ! Etre vraiment économiste, c’est déplaire – sauf à ne pas l’être.

Ensuite, il faut choisir son camp parmi deux, celui de l’offre ou celui de la demande.

Dans le camp de l’offre, il faut produire avant de consommer, donc que le profit attendu compense le risque pris. Dans le camp de la demande, il faut que le revenu des ménages soit là, ou bientôt là, pour inciter à produire. Pourquoi ce choix ? Il est assez évident que la production précède physiquement la consommation, mais en disant ceci on dit aussi que l’entreprise (le patron, le capitaliste) a transformé la matière en faisant travailler l’ouvrier ou le prolétaire (oublions les cadres et autres intermédiaires !), donc qu’il a pris un risque. Ce risque se trouve dans le produit transformé en attente d’être vendu avec gain, gain qui rémunèrera le risque et permettra à l’entreprise de s’étendre et d’embaucher et au capitaliste de prospérer, si tout se passe bien. Si l’on est du camp de la demande, on soulignera que le gain de l’entrepreneur ne pourra venir que des revenus distribués ou en passe de l’être, donc des salaires. Du côté de l’offre, c’est la prise de risque qui permet le profit et la croissance. Du côté de la demande, c’est le revenu disponible ou bientôt disponible, grâce aux salaires, qui permet au profit d’exister, mais il faut bien produire !

On ne peut les réconcilier ? Non, ils ne le veulent pas ! Le fonds de commerce de chacun est en jeu !

Le camp de l’offre voudra moins de règles et de contrôles, avec moins d’impôts. Le camp de la demande insistera sur la nécessité de faire monter les salaires et de surveiller les concentrations et les importations qui les menacent. Bien sûr il faut les deux, offre et demande, risque/profit et salaire. Bien sûr, il faut des règles et des contrôles, mais sans excès. Bien sûr, il faut laisser aux innovations, grandes et petites, leur espace, sachant qu’elles sont là pour faire bouger, un peu ou beaucoup, tout l’édifice. Rien n’est donc jamais figé, car le système capitaliste est incertain : personne ne sait si le produit plaira, si un concurrent ne trouvera pas mieux, moins cher, plus vite. Ce qui forcera tout le monde à changer et à s’ajuster, avec l’avantage qu’en tirera celui qui sera plus aux aguets, plus réactif, plus agile.

Mais alors, on ne sait jamais de quoi demain sera fait ? Les économistes qui font des prévisions se trompent ou nous trompent ? Non : tout le monde doit vivre !

Plus sérieusement, les débats éclairent les zones d’ombre et permettent de meilleures décisions. En fait, les économies vivent à un double régime : régulier + variable, un variable positif ou négatif. Le régime régulier vient des revenus versés et des habitudes de dépense. S’y ajoutent des dépenses nouvelles d’investissement (avec des salaires supplémentaires), qui font naître des expansions, avec souvent des excès, d’où des contractions.

Mais alors, vous êtes des sorciers ou des psychologues ! Les deux, mais attention : ce sont là deux professions protégées !